Santé mentale

Le poids de l’uniforme

Dans des situations où la plupart des gens auraient tendance à figer ou à fuir, ils inspirent confiance et, par leur simple présence, rassurent les gens. Médecins, pompiers, policiers, paramédicaux ou militaires, la pression est forte pour ces héros de tous les jours. Et parfois, la vie fait qu’ils craquent.

On sait que l’horreur et le drame existent, mais plusieurs de ces travailleurs en blouse blanche ou en uniforme y font face pour vrai.

« Il y a quelque chose de contagieux dans les émotions. À force de voir des gens qui souffrent, qui sont paniqués, il y a une empreinte de ça qui finit par se faire. »

— Marc-André Dufour, psychologue clinicien au programme de soutien pour trauma et stress opérationnels au sein des Forces armées canadiennes

CROIRE AUX HÉROS

Si la population les voit comme des héros, le danger réel est la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Lorsque les premiers répondants se créent une image trop forte de ce qu’ils sont, « le moment où ils n’arrivent plus à atteindre cet idéal, le jugement qu’ils portent sur eux peut rapidement devenir nocif », ajoute M. Dufour.

Il faut aussi faire preuve d’humilité lorsque vient le temps de demander de l’aide. « Ça prend du courage pour regarder ce qui ne va pas, s’arrêter et oser entrer en contact avec ces émotions-là. Il ne faut pas avoir froid aux yeux », prévient M. Dufour. 

Le commandant Robert Piché, pilote d’avion et président de la Fondation Robert-Piché, qui vient en aide aux organismes œuvrant auprès de personnes qui ont une dépendance, abonde dans ce sens.

« Avouer que tu as un problème, c’est très difficile, peu importe le domaine ou le milieu. La première peur que les gens ont, c’est l’ignorance de la thérapie, la peur de ce qu’il va leur arriver. »

— Robert Piché

L’AIDE AU BOUT DU FIL

Jean-Denis Simard a été policier à la Sûreté du Québec pendant 33 ans. Il a aussi occupé le poste d’intervenant et responsable du programme d’aide au personnel de la SQ pour l’Est-du-Québec. C’est de là que lui est venue l’idée de créer La Vigile, maison d’accueil pour intervenants en situation d’urgence, professionnels de la santé et autres travailleurs en services de soutien aux citoyens. « Dans un milieu comme le nôtre, la détresse est cachée. Ce sont des professionnels qui ont de la misère à demander de l’aide, ils sont habitués à travailler avec les autres, à donner des services, à être les experts, peu importe la fonction qu’ils ont. Alors lorsqu’ils ont un problème personnel, en tant qu’experts, ils essaient de le régler eux-mêmes. Ils pensent être assez outillés », explique M. Simard. Si, sur le plan rationnel, ça semble logique, le volet émotif amène d’autres aspects plus difficiles à gérer.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il n’y a pas de santé sans santé mentale. Mais dans les faits, un travail colossal reste à faire sur le plan de la promotion de la santé mentale, que ce soit pour lever les tabous ou briser le silence. « Les organisations ont la responsabilité de passer des messages qui sont positifs par rapport à la santé mentale. Au niveau des Forces, il y a une volonté politique qui est claire et évidente. Par exemple, tous les militaires qui partent en mission sont rencontrés par un intervenant en santé mentale, tous ceux qui reviennent aussi. On est dans le dépistage et ça évite la stigmatisation. Tout le monde passe par là, pas seulement ceux qui en auraient besoin. Ce genre d’initiative aide énormément », explique M. Dufour.

Pour changer les mentalités, le rôle des pairs qui ont vécu des situations difficiles et qui acceptent d’en parler peut avoir un impact sur la perception des gens de la détresse psychologique ou de la maladie mentale. « D’humain à humain, il n’y a rien de plus fort que ça », souligne Marc-André Dufour.

Des ressources pour obtenir de l’aide

LA VIGILE

Maison d’accueil pour intervenants en situation d’urgence, professionnels de la santé et autres travailleurs en services de soutien aux citoyens (avocats, militaires, etc.)

1 888 315-0007

MÉDI-SECOURS

Groupe de médecins et de dentistes, hommes et femmes, qui ont (ou ont eu) des problèmes avec l’alcool ou les drogues et qui s’entraident en communiquant, en se rassemblant

ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DE PRÉVENTION DU SUICIDE

1 866 APPELLE (277-3553)

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