Publicité

Minarets : tollé en France après le référendum suisse

RÉACTIONS - «Expression d'intolérance», «décision inquiétante» ... À l'exception du Front National, les responsables politiques et religieux français déplorent le résultat du vote suisse interdisant les minarets.

Au lendemain de l'annonce du résultat du référendum par lequel les Suisses ont décidé d'interdire la construction de nouveaux minarets chez eux, plusieurs responsables politiques s'élèvent pour déplorer l'intolérance sur laquelle ce scrutin lèverait le voile.

La Rapporteur spéciale de l'ONU pour la liberté de religion s'est montrée aujourd'hui «profondément inquiète» et elle a insisté sur le fait que le Comité des droits de l'homme a récemment prévenu la Suisse qu'une telle décision est contraire aux obligations de la Suisse en vertu du droit international dans le domaine des droits de l'homme.

En France, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'est déclaré lundi «un peu scandalisé». «J'espère que les Suisses reviendront sur cette décision assez vite», a-t-il ajouté parlant d'une «expression d'intolérance». La construction de minarets «n'est pas grand chose. Est-ce que c'est une offense dans un pays de montagnes qu'il y ait une construction un peu plus élevée ?», a aussi demandé le ministre.

Son collègue du gouvernement, Hervé Morin, ministre de la Défense, a estimé «gênant» que le référendum devienne «un facteur de populisme». «Il y a d'abord un problème de forme parce que ce sont des questions compliquées qui n'appellent pas une réponse simple», a expliqué le président du Nouveau Centre. Pour le ministre, qui s'exprimait sur la situation en France, l'architecture des mosquées doit notamment être «compatible avec celle des collectivités». Quant au ministre de l'Immigration, Eric Besson, il s'est déclaré préoccupé par ce vote car il donne le sentiment de «stigmatiser l'islam» et a demandé d'éviter ce type de débats, qui relève «de l'urbanisme,» en France.

Au PS, le porte-parole Benoît Hamon a déploré «une décision inquiétante». Ce vote est «assez significatif de cette tentation à se recroqueviller, à se replier sur soi et à faire de l'étranger, en l'occurrence le musulman, le bouc-émissaire de tous les maux des sociétés occidentales», a affirmé l'ex-député européen qui a accusé Nicolas Sarkozy d'introduire le même type de questions en France avec le débat sur l'identité nationale. Selon lui, si l'on posait aux Français la même question qu'aux Suisses, «le résultat serait différent parce que nous avons, nous, une tradition d'intégration des populations musulmanes beaucoup plus grande» que ce pays.

Marine Le Pen se réjouit du vote helvétique

Sur une ligne proche, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault estime qu'en France «on n'est pas loin de cette velléité d'en appeler à des consultations sur des positions telles que celle-là». Il a notamment cité le débat sur l'identité nationale qui, selon lui, met en avant «des thèmes qui opposent et qui permettent justement de mettre sur le côté des questions plus fondamentales», dont la crise économique mondiale «qui accroît les inégalités sociales».

Le chef de l'UMP, Xavier Bertrand, a estimé de son côté que la question de l'interdiction des minarets ne se posait pas en France. «Il faut «bien évidemment des lieux de culte» pour l'islam mais «est-ce qu'il faut modifier nos règlements d'urbanisme pour permettre qu'il y ait des minarets d'une certaine taille? Je ne le crois pas», a-t-il précisé. Selon lui, «le sujet qui est posé en Suisse dans un contexte précis n'est pas le sujet qui est posé en France» et «n'a rien à voir avec la question de la burqa qu'il faut aujourd'hui clairement interdire en France». Le sujet de la burqa, sur lequel planche actuellement une mission parlementaire, est d'ailleurs présent dans les réactions de plusieurs responsables politiques. Ainsi Hervé Morin a estimé nécessaire de prendre «le temps du dialogue» sur le sujet. Bernard Kouchner a répondu «ne pas savoir» s'il fallait l'interdire.

A contre-courant de la majorité des réactions politiques, la vice-présidente du Front National, Marine Le Pen, s'est réjouie du vote helvétique «à une très franche majorité» et demandé aux «élites de cesser de nier les aspirations et craintes des peuples européens». Ces derniers, «sans s'opposer à la liberté religieuse, rejettent les signes ostentatoires que veulent imposer des groupes politico-religieux musulmans, souvent à la limite de la provocation».

«Une mauvaise surprise»

Parmi les responsables religieux musulmans, c'est la consternation. «C'est un message que nous recevons avec surprise, plutôt une mauvaise surprise, sur l'état en Europe de la tolérance et finalement de la convivialité des religions présentes, qui jusqu'à présent n'avait jamais occasionné un rejet aussi net», explique Dalil Boubakeur. «Ce qui m'étonne, ajoute le recteur de la Grande Mosquée de Paris, c'est le chiffre de 57 % de rejet et ça me laisse réfléchir sur l'impact et la manière dont l'Islam est jugé dans les pays d'Europe». Un chiffre qui traduit «un message d'inquiétude, de peur, sinon de méfiance», selon lui. «L'amalgame entre l'Islam et puis certaines formes peut-être plus radicale que l'Islam» est peut-être à l'origine de cette «très regrettable confusion», explique Dalil Boubakeur.

Pour Kamel Kebtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, «il s'agit d'un vote d'intolérance, tournant le dos aux bases juridiques les plus constantes qui, à travers le monde, garantissent la liberté de religion». «J'appelle à une réaction de tous les musulmans, des fidèles de toutes les religions, et de tous les démocrates, au niveau européen, pour s'opposer à ce que ce vote, contraire aux fondements du droit, devienne une loi», peut-on lire dans un communiqué.

LIRE AUSSI

» Minarets : un débat qui pourrait concerner la France

» Les Suisses votent l'interdiction des minarets

Minarets : tollé en France après le référendum suisse

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
696 commentaires
    À lire aussi