EXCLUSIF. Somalie : le raid pour libérer Denis Allex a été conduit depuis le Mistral

Cinquante hommes ont été mobilisés, à bord de six hélicoptères, pour mener une opération commando de grande ampleur.

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Le BPC Mistral, ici en 2009.
Le BPC Mistral, ici en 2009. © AFP

Temps de lecture : 4 min

L'opération conduite par la DGSE pour tenter de libérer l'otage Denis Allex est l'une des plus énormes que l'armée française ait conduites ces dernières années. Outre la DGSE, elle a impliqué le COS (commandement des opérations spéciales) et les trois armées. Elle a été préparée durant des mois et a été conduite dans un tempo d'enfer et un secret absolu. L'action finale a été décidée lorsqu'une conjonction d'éléments naturels favorables a été réunie : il fallait que la lune, donc "l'obscure clarté qui tombe des étoiles", la marée et la météo soient conformes aux besoins. Le récit que nous faisons de cette opération a été nourri de témoignages et d'éléments publics qui ont révélé leur pertinence après l'opération, dont nous n'avons pas pu connaître le nom. Bien des éléments demanderont d'autres confirmations, mais voici ce que nous sommes en mesure d'écrire aujourd'hui.

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Opération depuis la mer

L'opération a été conduite depuis la mer. Dans l'océan Indien, au moins deux navires naviguaient de conserve : la frégate antiaérienne Chevalier Paul et le bâtiment de projection et de commandement Mistral. À bord de ce dernier, de nombreux hélicoptères, dont six ont participé au raid conduit par une cinquantaine de commandos du service action.

La flottille d'assaut était précisément composée de quatre hélicoptères EC-725 Caracal appartenant pour les uns au groupe aérien mixte 56, l'unité aérienne du service action de la DGSE, et pour les autres au commandement des opérations spéciales (COS). Ces hélicoptères d'assaut solidement armés étaient appuyés par deux hélicoptères de combat EC-665 Tigre du COS.

Six hélicos, appui américain

Officiellement, l'opération française est restée purement nationale. Nous allons voir que la réalité est un peu différente. Mais nous avons reçu confirmation qu'aucune demande d'autorisation de survol ou d'atterrissage n'a été demandée à un quelconque pays de la région.

En revanche, un appui a été proposé - ou demandé par la France - par les militaires américains, sous la forme d'un avion (au moins) servant de "piquet radio" pour assurer les transmissions entre le poste de commandement installé sur le Mistral positionné très loin au-delà de l'horizon et les hélicoptères envoyés vers la localité de Bulomarer.

Des mois de secret absolu

Cette opération est préparée depuis des mois. On imagine aisément le temps nécessaire pour déployer en secret depuis la métropole des moyens aussi lourds, qui ont sans doute transité par une base française dans la région (Abu Dhabi, où François Hollande doit se rendre en début de semaine, ou Djibouti). Nous avons découvert dimanche matin qu'une lecture attentive et préalable des sites officiels des navires impliqués dans le raid aurait pu nous mettre la puce à l'oreille.

En effet, depuis Noël, les escales de ces navires avaient été annulées, ils avaient été placés en position "Incon rouge" (Information contrôle rouge), ce qui a eu pour conséquence de couper les relations internet de l'équipage, ses liaisons téléphoniques avec les familles et même l'accès à l'intranet des armées. Seuls les commandants des navires avaient accès au téléphone. Mais pour le reste, black-out. Certains marins n'ont compris qu'après l'annonce du raid, samedi matin, pourquoi le Chevalier Paul et le Mistral avaient "disparu du scope" !

Fureur des familles

Cet état de fait a déclenché la colère des familles, et surtout des épouses, qui se sont ouverts très officiellement par la marine pour les familles des équipages. On lit ainsi ce message, posté quatre jours avant le raid, en réponse à une certaine Isabelle, choquée par l'absence de communication avec son conjoint :

Le lundi 7 janvier 2013, 18:19 par Camille

Isabelle courage!!! Mais ou sont nos marins??? C'est dur de ne rien savoir...:( Moi je suis pour que la Marine nous décerne la médaille de la patience ou du courage ou de je ne sais quoi :)non??? Courage a toutes et rdv le 10 Avril(ou avant, ou après...) toutes sur le quai!!!! mon doudou je t 'aime <3 si tu passes par là...

Incertitudes

Sur l'opération elle-même, nous n'avons que peu d'informations nouvelles. Selon nos sources, le soldat mort avec certitude est un lieutenant spécialiste du maniement des explosifs et du déminage. Quant au militaire "disparu", la DGSE pense qu'il n'est plus en vie. Une source connaissant bien l'affaire explique : "Il y a eu des échanges fournis. Quand les groupes sont retournés aux hélicos, l'un d'entre eux manquait." La probabilité qu'il soit mort est tenue pour crédible. Notamment parce que, s'il avait été blessé, il aurait pu activer le dispositif de localisation et de détresse qu'il portait sur lui.

Concernant Denis Allex, une source de confiance croit savoir que "lorsque les assaillants sont arrivés auprès de lui, ils l'ont trouvé entouré de deux hommes, qui l'ont emmené de force dans une autre pièce, avant que ne retentisse le bruit d'une rafale de fusil automatique. D'où la conviction que l'otage a été tué, traduite par la formule du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian qui expliquait samedi : "Tout donne à penser que [l'otage] Denis Allex a été abattu par ses geôliers." De source autorisée, on émet un doute sur notre version des faits : "Cette relation est un peu cinématographique. Les choses se sont passées de façon plus rapide, plus basique."

Et maintenant ?

L'opération a été montée le plus sérieusement du monde et son compte à rebours avait été entamé sur ordre de François Hollande voici plus d'une semaine. Elle s'est traduite par un échec, comme cela peut arriver dans une guerre. Mais la DGSE traumatisée est plus décidée que jamais. Si le doute sur la mort de Denis Allex et du commando venu pour le libérer subsiste, les services secrets français - qui en ont vu d'autres - ne lâchent pas l'affaire. Question de principe.

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Commentaires (105)

  • taisez-vous

    Non content d'avoir dévoilé une mission classée secret défense, Monsieur GUISNEL, vous avez en plus attiré les critiques les plus acerbes sur les familles de militaires. Voudriez vous informer ces donneurs de leçons que vous avez récupérer un commentaire, que vous l'avez sorti de son contexte pour en faire un réflexion négative alors qu'au départ, et en lien avec le reste de la conversation, ce n'était que de l'humour ! Nous, familles de marins savons nous taire lorqu'on nous le demande ! Et excusez nous les critiqueurs, pour donner des nouvelles nous utilisons les moyens à notre disposition car nos élevages de pigeons voyageurs n'aiment pas le froid de l'hiver !

  • VLT2L

    Il y a vingt ans, pour les Français c'était l'opération "Daguet" et non "Desert Storm" qui était, elle, américaine.
    Vous avez mal lu le commentaire auquel vous répondez, il y est expliqué que la phrase que vous attaquez a été sortie de son contexte et qu'en plus elle était unique.
    Oui, maintenant il y a l'internet, la webcam et c'est tant mieux, il y a 26 ans quand j'étais au Tchad le courrier mettait 15 jours à nous arriver et en 1914 les militaires avaient des bandes molletières quand les américains avaient des rangers ; à l'époque les avions étaient des bi-plans à hélice et maintenant ils ont un réacteur, des ailes en flèche ou en delta, parfois même elles peuvent changer de configuration en plein vol : cela s'appelle le progrès !

  • peterhimself

    C'est leur métier et leur mission que d'agir et conduire des opérations en territoire ennemi.
    S'il avait s'agit d'exécuter un responsable terroriste, ils auraient très probablement réussi et tout le monde aurait applaudi, mais non, ici il s'agissait de récupérer vivant un otage, qui plus est, membre de la DGSE, ils devaient donc être particulièrement motivés.
    L'opération a échoué certes, mais dans ce type d'opération, le moindre aléa peut vite tout faire basculer
    Nos forces spéciales ne sont pas des héros de bande dessinée, ce sont des hommes super entraînés qu font leur devoir et parfois se sacrifient pour la nation
    Il faut leur rendre hommage
    Bravo les gars, je suis sûr que vous avez fait le maximum et personne de peut vous juger quand il n'est pas sur le terrain avec vous...
    Quant à F. H. , bravo également d'avoir pris cette décision, au pire je crois que la mort est plus humaine que la détention par ces allumés de mécréants shebab.