Opinion  Hydrocarbures

Ne pas oublier le citoyen

Le nouvel encadrement proposé par le projet de loi 106 ne permet pas de dissiper les incertitudes quant à la sécurité juridique et financière des Québécois

Aujourd’hui, compte tenu de l’ensemble des intérêts en jeu, on ne peut plus nier que l’encadrement des activités visant l’exploitation des hydrocarbures est devenu une priorité pour la société québécoise.

La Chambre des notaires salue l’initiative du gouvernement de régir ce domaine. Cependant, la Chambre est préoccupée par le projet de loi 106 puisque la sécurité juridique et financière des Québécois et des Québécoises n’y est pas assurée. Ce nouvel encadrement, tel que proposé, ne permet pas de dissiper les incertitudes.

Le régime actuel d’encadrement des activités d’hydrocarbures est sérieusement dépassé. D’ailleurs, de nombreux terrains sont aujourd’hui visés par des licences d’exploration d’hydrocarbures, et ce, sans que leur propriétaire en soit clairement informé. À titre d’exemple, certains notaires sont actuellement sollicités et doivent répondre à de très nombreuses interrogations du public relativement à une licence touchant près de 1000 lots dans la région de Saint-Hyacinthe.

Comment l’acquéreur d’une propriété doit-il réagir lorsque son arpenteur-géomètre ou son notaire lui apprend que l’immeuble qu’il compte acquérir est visé par une telle licence ? Comment ne pas s’inquiéter de ce que l’attribution d’une licence d’exploration constitue l’étape préalable à l’obtention d’une licence d’exploitation ? Par souci de transparence, les informations sur les licences ne devraient-elles pas être consignées au Registre foncier comme tous les autres droits sur leur terrain ?

Le projet de loi 106 ne donne aucune réponse à ces questions. Il ne prévoit pas non plus de règles transitoires qui permettraient de limiter la portée des licences accordées à une époque où l’encadrement de ces activités était pratiquement inexistant.

Il serait aussi souhaitable d’ajouter au projet de loi des protections afin d’empêcher prêteurs et investisseurs de rappeler leurs mises de fonds lors d’une découverte d’hydrocarbure sur un terrain. En effet, une telle découverte est susceptible de créer un nouveau risque financier et d’affecter négativement la valeur de la propriété.

UN PROJET DE LOI À BONIFIER

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que l’entreprise détentrice d’une licence d’exploitation peut exproprier les résidents qui lui refuseraient l’accès à leur terrain. Pour la Chambre, il s’agit d’une expropriation non pas pour cause d’utilité publique, comme le requiert le Code civil du Québec, mais bien une expropriation en faveur d’une entreprise privée dont l’objectif est de tirer profit des ressources.

Ainsi, à l’instar de ce qu’elle avait soulevé en 2011, la Chambre estime que la légalité et la légitimité de cette mesure doivent être sérieusement examinées et clairement démontrées avant d’être maintenues dans sa forme actuelle. La Chambre rappelle que les ressources énergétiques fossiles sont susceptibles de se trouver à proximité de zones urbaines ou agricoles, par exemple. Cette mise en garde sur l’expropriation revêt une importance d’autant plus grande. Comment protéger l’accès à la justice des citoyens qui devront traiter avec ces entreprises et le gouvernement ? Auront-ils les moyens financiers de faire entendre leur voix ?

Considérant les incidences graves que peut avoir ce type d’exploitation sur la sécurité publique et sur la sécurité des titres fonciers, incluant le financement immobilier, la Chambre des notaires estime qu’il y a lieu pour le législateur de bonifier le projet de loi avant de l’adopter.

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