Le Japonais qui emballe les couples

À Tokyo, un photographe immortalise les couples après les avoir mis sous vide. Pendant dix secondes, les deux ne font qu'un.

De notre correspondante à Tokyo,

Les couples sont emballés sous vide.
Les couples sont emballés sous vide. © Photographer Hal

Temps de lecture : 3 min

"Attention ! j'aspire l'air, je ferme. Vous devez tenir environ dix secondes. Si jamais l'un de vous se sent mal, vous criez, j'ouvre immédiatement. Surtout, prenez votre souffle quand je vous le dirai, et ensuite, ne bougez plus, il y aura au total trois clichés." Enlacé avec une force extrême, pressurisé et privé de respiration, le couple emballé sous vide dans un sac en plastique transparent ne souffre pas. Il ressent au contraire le plaisir intense de ne faire plus qu'un. Cela tombe bien, car tel est le but visé par celui qui se fait appeler Photographer Hal, un artiste japonais qui, la semaine, réalise des visuels de voitures pour des campagnes publicitaires et, le week-end, immortalise des amoureux fous.

La newsletter culture

Tous les mercredis à 16h

Recevez l’actualité culturelle de la semaine à ne pas manquer ainsi que les Enquêtes, décryptages, portraits, tendances…

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Photo : l'artiste Photographer Hal.

Les corps sont si compressés à l'intérieur du sac géant (qui sert habituellement à emballer des futons) que leur volume habituel s'en trouve réduit d'un dixième au moins. Vue de l'extérieur, la peau semble chauffer et rougir, mais, à l'intérieur, la chair de l'autre paraît si tendre sur le flanc opposé que sa grande douceur efface la petite douleur. Les dix secondes paraissent interminables si l'on ne pense qu'à soi, mais filent en un éclair si l'on se concentre sur la proximité qui naît ainsi avec le corps de l'être aimé. Avant de faire la photo, le couple doit choisir la pose, Photographer Hal se montrant alors directif, exigeant et intransigeant. Lorsqu'il retire l'air avec l'aspirateur, si d'aventure l'un des deux bouge un peu, il le corrige.

"Risque de blessure"

"Ce qui compte, c'est la position du couple, que les corps soient réellement collés l'un à l'autre. Plus les visages et les membres sont déformés, plus c'est intéressant. Réduire la distance entre les couples, les faire tenir dans des espaces les plus étroits possible, telle a été ma motivation pour ce travail et le précédent où je les saisissais du dessus, blottis dans une petite baignoire cubique. Cette fois, en faisant le vide, plus rien ne sépare les deux êtres", explique-t-il. "Parmi les couples ainsi photographiés, certains se sont mariés, d'autres ont divorcé ou ont cessé de se fréquenter, mais les clichés où ils sont intensément unis restent, et ils les gardent." Photographer Hal se souvient même d'un couple qui s'est carrément disputé et en est presque venu aux mains lors d'une séance. Comme quoi, "l'instant d'union extrême est éphémère, d'où l'intérêt de le piéger".

"J'aimerais faire des clichés de couples de différents âges, mais je ne peux pas photographier des adolescents de moins de 18 ans. Les plus de 40 ans sont aussi souvent réticents", confie Photographer Hal. "Quant aux personnes âgées, elles ont les os fragiles, il y a un risque de blessure que je ne veux pas prendre", poursuit cet aventurier, qui tient quand même à la disposition de ses jeunes modèles une bouteille d'oxygène, au cas où.

Instant de plaisir

La découverte du cliché quelques minutes plus tard, lorsque Photographer Hal a opéré sa sélection, procure un nouvel instant de plaisir. Même si l'on ne reconnaît pas son propre visage ni celui de son partenaire, du fait de l'aplatissement induit par la pression, généralement, on s'attend à pire. La photo, prise d'en haut, corps posés sur une large feuille de papier étendue au sol, rejoint ensuite la collection Flesh Love (amour de chair), série que vient d'achever Photographer Hal, avec plus de soixante-dix couples.

Tous les clichés ont été saisis dans la cuisine de son appartement de l'est de Tokyo, transformé en studio. Les hommes et femmes qui se sont prêtés au jeu ont apprécié leur image, aucun ne s'opposant à sa publication ou à son utilisation lors d'expositions.

"Après les baignoires et les sacs sans air, je suis en train de réfléchir à un autre projet dans la même veine, encore plus extrême, encore plus sévère. Je ne sais pas ce que cela donnera tant que je n'ai pas fait de tests, mais je suis impatient", confesse ce quadragénaire qui n'a rien d'un tortionnaire, bien qu'il reconnaisse transformer durant quelques secondes des humains en objets. Lui-même est entré dans son sac en plastique sous vide pour connaître les sensations : "Si cela était insupportable, je n'y inviterais personne, je ne veux pas faire quelque chose de cruel", insiste-t-il. Et de préciser, "le thème de mes séries, c'est l'amour".

À découvrir également à "Nofound Photo Fair", du 11 au 14 novembre. 66, rue de Turenne, Paris.

©Photographer Hal

Commentaires (6)

  • beaubo nobo

    ... S'il n'y a pas des pays où l’artisanat local n'a pas tout intérêt à le rester...

  • Iron

    Ils sont pionniers en pas mal de nouveautés, mais là c'est de la c...... pure et simple. Ils me font penser à l'heure de l'apéro quand on démoule les mini-saucisses de leur emballage sous vide !
    Comment peut-on crier si on est sous-vide ? Y a de l'air ? A moins de crier en étant ventriloque ?
    Il y aura un incident...

  • fred

    C'est super en tout cas, une idée marrante ! Et de belle photo ! Genre vous vous habillez en noir et votre copine en blanc plein de chose a faire !