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Zone euro : la fuite en avant des prêts

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(par Patrick Artus) - La remontée des marchés financiers pendant l'été 2012 révèle la confiance des investisseurs dans les solutions mises en place pour résoudre la crise de la zone euro.

Perspective d'achat de dette publique par la BCE, même s'il s'agit seulement de dette à maturité courte ; « union bancaire », avec une supervision des banques organisée par la BCE, recapitalisation des banques espagnoles par l'EFSF ; surveillance collective des déséquilibres macroéconomiques : non seulement les déficits publics, mais aussi l'endettement, la compétitivité, les balances courantes ; possibilité de prêts de l'EFSF-ESM aux pays pour des montants importants.

Mais ce retour à la confiance des investisseurs nous paraît résulter d'une analyse tout à fait superficielle, essentiellement pour deux raisons. Les pays qui sont confrontés à une crise de solvabilité (Espagne, Portugal, Grèce), aussi bien budgétaire qu'extérieure, ne peuvent pas sortir de la crise uniquement parce qu'on leur prête davantage : ces pays ne pensent pas rembourser leurs dettes.

Par ailleurs, la crise résulte de problèmes structurels de l'économie réelle : désindustrialisation, excès d'endettement, explosion de la bulle immobilière, faiblesse de la croissance potentielle. Les politiques monétaires très expansionnistes ou les politiques de prêts publics aux pays ne résorbent pas ces problèmes.

Avant de mettre en place des politiques de soutien aux pays en crise, il faut savoir s'ils sont solvables ou confrontés à une crise de liquidité. L'Espagne, la Grèce, le Portugal ont à la fois des déficits publics primaires (déficits publics hors intérêts sur la dette publique) et des déficits extérieurs primaires (déficits de la balance courante hors intérêts sur la dette extérieure) ; ces trois pays sont donc incapables de stabiliser leurs dettes extérieure et publique, et sont donc insolvables. L'Italie, au contraire, aura en 2013 un excédent primaire très important (autour de 4 points de PIB) et n'a qu'un déficit extérieur primaire faible (autour de 1 point de PIB). Le pays est confronté à une crise de liquidité mais reste solvable.

Les autorités européennes, si elles menaient une analyse théorique normale de la situation de ces quatre pays, concluraient donc que seuls les prêts à l'Italie ont un sens. Or, le fonds EFSF-ESM, l'Union Européenne, le FMI, la BCE continuent à prêter ou à prévoir de prêter à l'Espagne, à la Grèce, au Portugal : si ces pays sont insolvables, cette accumulation supplémentaire de dette n'a pas de sens car ces trois pays seront incapables de la rembourser. L'enthousiasme des marchés financiers pour ces achats de dettes (par la BCE, l'EFSF) n'a donc pas de fondement.

Ceci amène naturellement à s'interroger sur les causes profondes de la crise. L'Espagne, la Grèce et le Portugal ont une industrie de faible taille, et ne parviennent donc pas à réduire suffisamment leurs déficits extérieurs (6 points de PIB en Espagne, 7 points au Portugal, 9 points en Grèce) : l'insolvabilité externe de ces pays est donc intrinsèque, liée à la désindustrialisation.

La hausse forte du chômage (25 %) en Espagne est due à l'explosion de la bulle immobilière et de la bulle du crédit : l'emploi directement affecté au secteur de la construction est passé de 14 % de l'emploi total en 2008 à 6 % de l'emploi total aujourd'hui ; les créances douteuses en Espagne représentent 9 % du crédit bancaire total. Le redressement de l'emploi, de l'activité, de la situation des banques nécessiterait la création de nouveaux emplois dans de nouveaux secteurs, et ne peut en rien être amené par une politique monétaire très expansionniste ou par des prêts européens au Trésor espagnol.

Il faut donc comprendre que les prêts n'apporteront pas de solution aux pays insolvables, ni aux pays confrontés à des problèmes graves de leur économie réelle. Il est d'ailleurs choquant que les responsables européens se révèlent incapables de distinguer entre les pays touchés par une crise de liquidité et les pays touchés pas une crise de solvabilité, de se concentrer sur les politiques de soutien de la croissance potentielle. Les investisseurs devraient comprendre que les problèmes de la zone euro ne peuvent pas être réglés seulement par des prêts à taux d'intérêt faibles et par la création monétaire.

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