DENIS SLAKTA Rouen
ESQUISSE D'UNE THÉORIE LEXIGO-SÉMANTIQUE : POUR UNE ANALYSE D'UN TEXTE POLITIQUE (CAHIERS DE DOLÉANCES)
II n'est pas inutile, pour commencer, de questionner le statut de certaines propositions dont le tranchant a pour effet de suspendre
— volens, nolens — les recherches dans plusieurs domaines de la linguistique, savoir : lexique et sémantique. Nous voudrions indiquer quelques- unes des notions qui sous-entendent ces propositions, repérer leur lieu d'origine, exhiber les conséquences qu'elles provoquent. Cette entreprise risque de susciter la suspicion — sinon le malentendu — tant il est clair que nombre de linguistes refusent encore d'examiner leur pratique à la lumière de certains travaux relatifs à l'histoire des sciences. Ce refus
— paradoxalement — « se remparde » derrière les propositions inaugurales, affirmées dans l'éclat du chorus : la linguistique est une science, la linguistique est l'étude scientifique du langage humain. Précisons tout de suite : ce n'est pas l'efficace de ces affirmations qui sera en cause, mais leur efficacité comme rempart.
Voici le terrain d'où naît l'entente, la nôtre y compris : la linguistique est dite science à partir du moment où, cessant d'imposer des listes de prescription, elle propose des séries de description. La linguistique s'inaugure comme science à donner de son objet, le langage humain, une vue descriptive, sa méthode reposant sur « la pure observation » des faits (F. de Saussure, 1916, p. 13; A. Martinet, 1961, p. 9). Il n'est pas question de nier la rupture ainsi opérée; au contraire, il convient de la souligner, sans arrière-pensée critique : la linguistique est devenue science parce qu'elle s'est constituée d'abord comme « théorie descriptive »; et nous ajouterons avec L. Althusser (1970, p. 10) :
« Nous avons (...) tout lieu de penser que les grandes découvertes scientifiques ne peuvent éviter de passer par la phase г de ce que nous appellerons une « théorie » descriptive. Ce serait la première phase de toute théorie (...). Comme telle, on pourrait — et à notre sens on doit — envisager cette phase comme une phase transitoire,
1. Nous soulignons.