La réalité est toute autre

De faire voler des avions, à concevoir des programmes informatiques, à partager ses idées novatrices par rapport à l’avenir de l’industrie des courses de chevaux, Tom Durand est un homme de chevaux, et quel homme. Par Chris Lomon / Traduction Louise Rioux

Il regarde ce sport qu’il aime à travers une lentille unique, le voyant fracturé et fragile, brillant et beau. Mais, pour toutes les luttes et sa gloire, Tom Durand persévère malgré tout, résolu dans son désir d’assister au succès des courses de standardbred.

Il n’y a aucun doute quant à la passion que ce horseman de longue date porte à l’industrie, celle dont il fait partie depuis quatre décennies.

Et, nul doute quant à son désir dominant de la voir prospérer au-delà du jour où il finira par l’appeler une carrière.

« Cette industrie ne concerne pas que les chevaux, elle concerne tous ceux qui assurent la présentation du spectacle, » de dire Durand. « Les courses de chevaux, selon ma perspective personnelle, n’est pas qu’un travail. C’est un style de vie, et ce style de vie comprend un engagement sur de longues heures, sept jours pas semaine ainsi que l’habileté d’accepter les désappointements au quotidien. Nous sommes une race d’humains à part. Certains nous qualifient de fous, mais tous, nous partageons cette même passion. Nous travaillons dur, essayant de développer le prochain champion. Et tout cela, à cause de l’immense gratification que nous ressentons quand cela arrive. »

« Il y a quelque chose d’unique dans le fait de participer à l’industrie avec tant d’amis, et qui sommes aussi des concurrents à la conquête des mêmes prix. La camaraderie est incroyable, le style de vie est inhabituel, et il est difficile de comprendre cela à moins de l’avoir déjà fait. »

Et, Durand l’a fait. En fait, il l’a fait et le fait encore très bien.

Depuis la fin des années 1970, il s’est fait un nom tant comme entraîneur que conducteur.

En 1977, Durand a occupé le sulky dans 20 courses, en gagnant deux, deux deuxièmes positions et trois troisièmes, et des gains en bourses de 654 $. Au 18 août 2015, il présente une fiche de 272 victoires à vie comme conducteur, qui s’accompagne de près de 4,7 M $ de gains.

À titre d’entraîneur, il a envoyé 244 gagnants pour un total de 6,6 M $.

Il n’y a pas eu de pénurie de moments mémorables pour Durand, particulièrement avec la jument millionnaire Casual Breeze et le trotteur étoile, Whiskey Tax, ce dernir ayant terminé deuxième lors de l’Hambletonian 2011, pour l’entraîneur Durand et le conducteur Randy Waples.

« L’entraînement me convient mieux, » dit-il. « C’est moins stressant, mais comporte plus de maux de tête quotidiens. Avec la conduite, vient la gloire, mais je me sens mal quand je fais une erreur. »

Le meilleur dans la conduite? « Détecter un négligé dans ce qui était invisible à chacun. Cela n’arrive pas très souvent. »

Le meilleur dans l’entraînement? « La joie de prendre un produit brut, un yearling relativement peu travaillé, et le développer soigneusement en un futur champion. »

Mais encore, quand il lui arrive de se retrouver dans le sulky ou à surveiller quelqu’un d’autre aux commandes, Durand apprécie la promenade.

Il espère que cet état d’esprit ne changera pas de sitôt, tout en admettant que les récents temps difficiles rencontrés par l’industrie ont eu un impact néfaste sur lui.

« Peut-être que la passion a décliné quelque peu au cours des quelques dernières années, » de dire Durand. « Notre industrie s’est tellement fait taper dessus par des bureaucrates à courte vue, que même moi j’ai eu des doutes quant aux chances de survie de l’industrie. Malheureusement, nous avons perdu de nombreuses bonnes gens, propriétaires, entraîneurs et soigneurs. »

Bien qu’il reste un type de la vieille école, Durand est également un visionnaire quand il s’agit du sport. C’est quelqu’un aux grandes idées, parfois audacieuses, sur les moyens d’augmenter sa popularité.

« Les chevaux devraient être plus accessibles au public, » fait-il remarquer. « Me souvenant des jours à l’ancien Greenwood Raceway, quand les spectateurs avaient accès au paddock. Dans mon souvenir, il y avait toujours des centaines d’amateurs voulant être dans l’action quand les chevaux sortaient pour la parade. Et tandis que je suis sur le sujet, une piste comme Mohawk devait faire en sorte que les chevaux paradent sur le droit avant, devant eux, et non pas à un demi mille. »

Les qualifications sont depuis longtemps pour lui, une épine aux pieds.

« Nos règlements de qualification sont depuis de nombreuses années, ma bête noire, » dit Durand. « Certains aspects sont archaїques, c’est le moins qu’on puisse dire. De bons chevaux sont obligés de se requalifier pour des erreurs ridicules. C’est une perte d’énergie à de nombreux égards, parce que la norme de qualification est tellement lente comparée à la vitesse de la course où l’erreur a été commise. Le cheval se requalifie sans aucun doute (bien qu’à vitesse bien plus lente), et quelle information cela donne-t-il aux parieurs? Aucune! Voici une bonne solution : avoir l’option d’entrer dans une course à une position de départ extérieure par tirage, ou celle de se requalifier, selon son choix. »

Économise l’énergie, sauve les chevaux, et c’est logique.

Il aimerait aussi voir de profonds changements s’appliquer aux pistes plus petites.

Et Durand de poursuivre : « Tout le monde est d’accord que nous avons besoin de plus de pari. La cagnotte aux pistes ‘B’ est pitoyable. Tout ce que nous avons sont des parieurs de 2 $ qui s’amusent. Le gros argent reste à l’écart parce que tout pari décent affecte sérieusement les cotes. Ce problème existe depuis de nombreuses années et personne n’a de bonne solution. Je crois réellement que les gens parieront beaucoup plus d’argent si, en bout de ligne, la perception d’une bonne récompense se précise. Ma solution : investir les fonds nécessaires pour avoir des cagnottes gagnantes. Avec l’argent retiré du compte bourses, nous devons ouvrir le pari disons, avec 100 $ à gagner sur chaque cheval. Quelques hommes de chevaux seront très énervés car ils auront l’impression que leur argent leur est volé. Mais ils se doivent de regarder l’ensemble du portrait, ainsi que le bien pour tous, et l’avenir. »

« Ce capital serait comme mettre de l’argent facile à être gagné. C’est une évidence pour les parieurs. »

Le pari augmentera de beaucoup. Je pourrais même commencer à y jouer quelques dollars, et je ne suis pas un joueur. Je crois que cela générera tellement d’intérêt, que la mise excédera le capital investi. Nous aurons créé un tout nouveau groupe de parieurs. Bien sûr, ce pourrait être largement annoncé, et ne s’appliquer qu’à une seule course par soir, juste pour commencer. S’il vous plaît, s’il vous plaît, quelqu’un pourrait-il venir me dire pourquoi ça ne pourrait pas fonctionner ? J’ai déjà suggéré cela par le passé mais on y a fait la sourde oreille, sans aucun commentaire. Y a-t-il quelque chose que je ne comprenne pas ?

Le monde du standardbred n’est jamais bien loin de l’esprit de Durand.

Il y a par contre, des moments durant lesquels il peut se libérer l’esprit de telles pensées, tout particulièrement, quand il s’envole dans le ciel dans le siège du pilote de son avion.

« Chacun a besoin d’un exutoire et le mien est de voler, » de noter Durand. « Ce doit être dans mes gènes, mon père ayant été pilote lui aussi. J’ai obtenu ma licence en 1982 tout en entraînant des chevaux au sud de la Floride. Les chevaux le matin, le vol en après-midi. J’ai eu ma licence en 30 jours. Au cours des ans, j’ai obtenu ma Qualification de vol aux instruments ainsi que ma qualification multimoteur. Après avoir possédé six avions, j’en possède maintenant un plus petit soit un économique Cessna 172RG Cutlass. Il répond à mes besoins pour de courtes excursions et aussi vers la Floride. Le mois dernier, mon épouse June et moi nous sommes rendus à Oshkosh, Wisconsin, pour assister au plus gros spectacle aérien au monde. Nous avons campé sous l’aile. Un autre voyage mémorable a été celui de notre visite d’une journée à Key West, Floride, l’hiver dernier. Mais la vraie raison pour avoir l’avion est de pouvoir aller aux encans du Kentucky, ou aux courses à New York, par exemple. Le temps qu’on peut sauver est étonnant. Les courses de chevaux sont loin dans mon esprit quand je suis en vol. Mais en plus d’être relaxant, il faut encore rester très concentré. »

Son autre passion est la programmation informatique. Bien que Microsoft n’ait pas à s’inquiéter de toute concurrence, c’est devenu un loisir très important pour Durand, qui s’est servi de ses habiletés pour apporter des améliorations au sein de cercles de course.

L’entraîneur de haut niveau, Ron Burke, a été l’un des bénéficiaires de l’expertise de Durand.

« C’est mon autre exutoire, » dit Durand. « J’ai suivi mon premier cours d’informatique à l’University of Guelph au milieu des années ’70, et j’y suis resté accro. Tout le long du développement du PC, je bricolais et écrivais des programmes. J’ai plus ou moins grandi avec l’invention du PC et j’ai été chanceux d’en bien comprendre le fonctionnement. J’ai conçu des programmes pour les hommes de chevaux et les écuries, mais à vrai dire, mon marché se situait à un milliardième de celui de Bill Gates. Avec le temps réduit dont je disposais, mes efforts en informatique étaient aussi limités. Mais les gens m’appelaient encore pour que je les aide, et c’est ce qui est arrivé avec les Burke. Leur système de facturation était insuffisant pour traiter leurs 270 chevaux et leurs multiples partenariats. Sylvia Burke me dit que je lui ai redonné sa vie, et c’est un bon sentiment que d’avoir pu les aider. »

Ron dit : « Le système d’informatique qu’il nous a monté a incroyablement allégé notre procédé de facturation. C’est une bonne personne et un homme de chevaux accompli qui développe les chevaux de la bonne façon. »

Un de ces chevaux est Luck O The Irish, un trotteur de trois ans, entraîné par Durand pour sa femme June. Le poulain de deux ans Holiday Road, a enregistré sa troisième victoire consécutive et sa première victoire en Gold Series de la saison à Mohawk Racetrack, arrêtant le chronomètre à 1:55.2… et faisant grimper les gains en carrière de cet élevage domestique, à 221 250 $.

Bien que n’étant pas aux commandes, Durand était très enthousiaste après la victoire.

« C’était un yearling très gêné, très gêné, » se rappelle-t-il. « Je ne dirais pas qu’il était nerveux, mais très, très gêné. Et je pense que pour cette raison, personne ne demandait à devenir des partenaires. Il ne vous frappait pas comme étant un cheval brave qui deviendrait un tel bon cheval de course. Autrement, il a été très simple. C’est presque un cheval de rêve et ce, de plusieurs façons. Nous l’aimons bien. »

« La plupart des gens sait déjà cela, mais le succès de notre écurie revient particulièrement à June, » poursuit-il. « C’est son très grand dévouement qui nous a emmené de si nombreux bons chevaux. Bien sûr, je fais le plus d’entraînement, mais le vrai travail et dévouement revient à quelqu’un capable de travailler infatigablement 18 heures par jour, s’assurant que toutes les tâches fastidieuses mais ô combien importantes, sont exécutées. Elle aime les chevaux et c’est ce qu’il faut. Et je pense qu’ils l’aiment aussi. »

C’est une main patiente qui a guidé Durand au cours des ans, tant dans les bons que les moins bons moments. Il ne voudrait pas qu’il en soit autrement.

« Vous ne devriez être membre de cette industrie que parce que vous aimez les chevaux, que vous aimez les courses de chevaux, et que vous êtes patient pour en accepter les hauts et les bas. Non pas parce que vous voulez faire facilement et rapidement de l’argent. Quand vous avez la patience de prendre les bonnes décisions en cours de route, les récompenses viendront éventuellement. Le vieux dicton est encore vrai : ‘Prenez soin de votre cheval et il prendra soin de vous.’ »

Et parlant de mots de sagesse, Durand se réfère à un conseil qui trouve écho en lui encore aujourd’hui.

« Mon père, Ron, disait que s’il avait dit quelque chose une fois, il l’avait répété un millier de fois. ‘Si une tâche vaut la peine d’être faite, elle vaut la peine d’être bien faite.’ J’ai toujours gardé ce principe en tête, et je ne pense pas que c’était un mauvais conseil. »

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