Organisation et conseil

« Manager demain sera une expérience relationnelle »

A quoi ressemblera le management d’ici une dizaine d’années ? Vaste question sur laquelle ont planché cent spécialistes. Leurs conclusions ont été réunies dans le recueil « Cent regards sur le management en 2030 »*, dont la seconde édition vient de paraître. Décryptage de ce travail prospectif avec Philippe Détrie, fondateur de la Maison du Management*.

« Mondialisation, féminisation et vieillissement de la population sont les « trois bouleversements majeurs qui viennent rompre notre modèle économique traditionnel » explique en préambule Philippe Détrie, « Parallèlement, la mondialisation, associée à l’accélération, au vieillissement de la population et à l’effritement des modèles explicatifs du monde, crée une recherche de sens chez les salariés. »

La mondialisation engendre un impératif de « best in class », l’accélération nécessite toujours plus de réactivité et oblige à avoir des structures plus fluides. Pour survivre, les structures comme les individus doivent s’ouvrir sur le monde. La féminisation, ensuite, permet depuis peu de ne plus libérer la moitié de la population qui était assujettie à l’autre, même s’il reste difficile dans certaines entreprises de casser ce fameux « plafond de verre ».

Renversement générationnel

Concernant le vieillissement, on assiste  à un fait unique dans l’histoire de notre société : les jeunes arrivent dans l’entreprise  avec des compétences que les anciens n’ont pas acquises, mais aussi avec une assurance qui ouvre des possibilités de cocréation immenses, comme le mentoring inversé. L’effritement des valeurs est quant à lui visible dans les grandes institutions (religion, famille, travail…), qui ne sont plus les piliers centraux de nos sociétés.

Sur le plan technologique, « la révolution numérique a fait voler en éclats le cadre de travail et les règles qui prévalaient jusque-là. Toute une vie peut tenir dans  un smartphone » résume le fondateur de la Maison du Management, « Cela a modifié les lignes du savoir, celui-ci devenant moins important que la capacité à savoir comment naviguer parmi ce savoir ».

Valeur travail

Au niveau individuel, la valeur travail se relativise et se repense. Loin d’être l’ascenseur social qu’il a longtemps été, le travail doit répondre à plusieurs exigences : l’individu doit s’y épanouir, mais aussi apprendre et y trouver un sens, sans oublier de vivre au sein de sa communauté. S’y ajoute une plus grande flexibilité, et peut-être aussi une audace plus importante de la part de la génération amenée à prendre la main bientôt.

Manager coach

Au cœur de cette vaste équation, le manager doit se redéfinir : le travail sera pour lui une expérience relationnelle. Au mot « pouvoir » va se substituer le verbe « pouvoir » : l’autorité en soi fait place à la « capabilité », selon le mot du Prix Nobel Armatya Sen. Travail rimera avec plaisir d’entreprendre et possibilité de vivre une aventure humaine qui se partage : « L’envie et l’enthousiasme arrivent en force : on travaillera surtout pour épanouir son potentiel » ajoute Philippe Détrie. 

Le manager de 2030 sera au cœur de ses équipes, travaillera avec elles et non au-dessus ou devant. Véritable coach, il lui faudra permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même et de progresser, les individus aspirant à se former tout au long de leur vie.

« Pour le manager, cela suppose d’être non plus le meilleur du monde - en termes d’efficacité ou de performances - mais le meilleur au monde, puisqu’il lui faut intégrer l’impact de son activité sur les autres, en interne mais aussi la société et l’environnement. Cette responsabilisation place l’entreprise non plus seulement face à son marché, mais face à la société ».

Frédérique Guénot

*« Cent regards sur le management en 2030 » (seconde édition enrichie). Ce recueil a été réalisé et édité par Philippe Détrie, fondateur, et Laurence Constant, adjointe, de la Maison du Management. Synthèse de Benoit Tulasne, dirigeant de Sosten Consulting.

Crédit photo : © Laurence de Terline