vendredi 13 mai 2016

Les trois princes de Serendip


On ne sait pas trop qui est le véritable auteur de ces contes. Un persan (Delhavi) ? Un italien (Tramezzino) qui aurait compilé des contes anciens ? En tout cas, ils ont été révélés en France par Louis de Mailly (1657-1724) sous le titre : les aventures des trois princes de Serendip (Editions Thierry Marchaise, 2011)
 Lorsque le roi de Serendip (mot persan pour Sri Lanka, île au sud-est de l'Inde), demande à ses fils de lui succéder, ceux-ci refusent. Il les expulse de son royaume et les trois garçons partent à pied explorer le monde. Un jour, ils rencontrent un Africain qui a perdu son chameau. Les frères se mettent alors à décrire ce qu'ils n'ont pourtant pas vu. Le chameau, disent-ils, est borgne ; il lui manque une dent ; il boite et est chargé d'huile d'un côté, de miel de l'autre et d'une femme enceinte.
Stupéfait de l'exactitude de cette description, le chamelier croit qu'ils ont volé son chameau. Le verdict du roi de la contrée est sollicité, au cours duquel les frères avouent avoir inventé une description qui s'est révélée exacte. Ils sont jetés en prison. Le chameau étant bientôt retrouvé - et l'innocence des frères prouvée -, le roi leur demande alors comment ils ont pu décrire ce qu'ils n'avaient point vu.
Leurs réponses le stupéfient : seule l'herbe située à gauche de la trace, dit l'aîné, était broutée ; il en a conclu que le chameau était borgne de l'oeil droit. Des morceaux d'herbes mâchées tombés de sa bouche étaient de la taille d'une dent de chameau : ce dernier a perdu une dent, dit le cadet. Les traces d'un pied du chameau étaient moins marquées dans le sol : il boite, en a déduit le benjamin. D'un côté du chemin, des fourmis ramassaient de la nourriture, et de l'autre, abeilles et guêpes s'activaient autour d'une substance collante : le chameau était chargé d'un côté de beurre et de l'autre de miel. Le cadet a remarqué des empreintes de sandales d'une femme. De plus, une trace humide qu'il huma fit « monter son désir à ébullition » ; des marques de mains montraient que la femme s'en était servi pour se soulever du sol : elle était donc enceinte.
Le roi, devant tant de perspicacité, les couvre de richesses, leur offre un splendide logement à l'intérieur du sérail. Mais l'aventure ne se termine pas là. Après un bon repas, les frères échangent leurs impressions : le vin contenait du sang humain, la brebis avait du sang de chienne dans les veines, et le roi est le fils d'un cuisinier. Celui-ci, qui a tout entendu, cherche à comprendre : il apprend que le vignoble était auparavant un cimetière, que la brebis avait été allaitée par une chienne. Et sa mère lui avoue qu'elle a cédé aux avances d'un cuisinier dont il est le fils ! Les frères s'expliquent à nouveau : le vin rendait triste ; la brebis avait le goût du sang. Quant au roi, il ne parlait que de mets et de pain : il était donc issu« d'un moule à pain plutôt que d'un trône ». Ces réponses satisfont le roi et les frères peuvent regagner leur royaume.

Source : http://www.histoire.presse.fr/livres/livre-du-mois/vous-avez-dit-serendipite-01-05-2012-45246)

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