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Élodie se redresse, avale une discrète goulée d'air, comme pour se donner du courage. Cheveux blonds soigneusement tirés en chignon et lunettes à l'épaisse monture noire, la jeune fille respire la bonne élève. D'ailleurs, dès les premiers mots, la première année du master de l'ESC Dijon-Bourgogne s'applique à ne rien oublier. Son bac mention très bien avec mention européenne, sa prépa HEC, son intérêt pour le théâtre, sa participation aux associations culturelles de l'école. "Je voudrais allier ma passion et mon métier en devenant manager culturel", explique la jeune fille. Pendant le consciencieux exposé, le sourire est un brin crispé, les joues colorées et la voix parfois noyée au fond de la gorge. Pas de doute, Élodie prend le "crash test" au sérieux.
Ça tombe bien. Le service carrières de l'école, qui organise chaque année cet exercice pour aider ses étudiants de première année à élaborer leur projet professionnel aussi tôt que possible, mise beaucoup sur l'opération. L'idée ? Présenter son plan de bataille pour tenter de décrocher le métier de ses rêves. Le tout en cinq minutes chrono devant un professionnel censé ne rien passer aux étudiants. De fait, de remarques bienveillantes en questions ciblées, la coach, DRH pendant 27 ans, devenue consultante, cuisine gentiment l'étudiante. "Ça, c'est ton projet final, la dernière marche, très bien. Comment comptes-tu construire ton parcours pour y arriver ? Tu as commencé à chercher un stage ? Tu comptes faire une césure professionnelle ?" Et ne ménage pas ses efforts pour faire prendre conscience aux trois étudiants présents des enjeux du moment. "N'oubliez pas, trouver sa place sur le marché du travail est un travail !" assure-t-elle.
Affûtage
À l'ESC Dijon, l'espace entreprises et carrières, qui organise en moyenne 1 000 face-à-face par an avec ses étudiants, a mis au point un accompagnement serré pour leur faire intégrer le marché de l'emploi. Stages en première, deuxième et troisième année, ou apprentissage, les futurs managers sont confrontés autant que possible au monde professionnel. Et des conférences, entretiens individuels ou ateliers collectifs bi-hebdomadaires en tout genre, pilotés par huit coachs de quatre nationalités différentes, émaillent le parcours des élèves. Préparer son CV et sa lettre de motivation, optimiser un entretien, apprendre à relancer ses potentiels employeurs, savoir négocier son salaire… les thèmes, qui déploient l'éventail complet de la préparation à l'embauche, sont variés. Venu bouleverser la recherche d'emploi, le numérique n'est pas oublié : les étudiants peuvent pêle-mêle enregistrer leur CV vidéo sur une plateforme dédiée, peaufiner leur profil LinkedIn ou Facebook, s'entraîner à passer un entretien par Skype, travailler leur e-réputation. "La stratégie de candidature doit être affûtée pour être efficace", estime Isabelle Demay, directrice du centre carrières.
Le "crash test" est le premier pas dans ce long processus. "Il est inutile de chercher un emploi sans projet professionnel précis, précise la responsable. La séance nous aide aussi à mieux connaître nos candidats : en établissant des profils, nous sommes en mesure de répondre précisément et rapidement à une entreprise en recherche de stagiaires et de collaborateurs."
Électrochoc
Mais l'exercice se veut avant tout un électrochoc. Le message est reçu cinq sur cinq par les étudiants. "La réputation de cette journée est impressionnante. Les étudiants appréhendent vraiment ce moment, se souvient Jeanne, 23 ans, participante d'une cession précédente. Malgré une préparation antérieure en face à face, j'étais très intimidée avant de passer." D'ailleurs, pour elle, la "prise de conscience d'une nécessaire amélioration de son projet" a opéré. "Il n'était pas du tout assez construit. J'avais beau être sûre de mon envie de travailler dans le domaine familial viticole, je ne savais pas comment atteindre mon objectif ni ce que je voulais y faire précisément. J'ai pu comprendre les forces et les faiblesses de mon argumentaire pour élaborer un projet plus professionnel et structuré."
De fait, les exposés un peu naïfs et maladroits et autres plans de carrière encore très flous témoignent de l'utilité de l'exercice. Il y a Léana, cachée dans son gros pull et le sac posé sous sur les genoux, encore "en phase de découverte", qui hésite "entre marketing et finance". Ou Paul, "intéressé depuis tout petit par le secteur bancaire", qui voudrait devenir trader ou, à défaut, préparateur dans l'automobile de luxe. Même Cyprien, cheveux ras et tee-shirt noir, qui après une première expérience, a compris qu'il souhaitait travailler dans l'analyse prédictive des big data pour un grand groupe, et déjà prévu les stages en conséquence, accueille avec plaisir les conseils de son interlocutrice. "Après mon BTS, j'ai intégré cette école, car j'avais envie de ce suivi, d'un travail collectif sur mon projet, raconte-t-il. J'ai besoin d'être confronté avec quelqu'un en rapport étroit avec le monde du travail et qui me conforte dans mes choix de carrière, dissipe mes craintes et me dise comment arriver à mes fins. Ici, j'ai trouvé l'accompagnement personnalisé qu'il me fallait, dont j'use et j'abuse !"