Mangez moins, un atout pour la longévité

Publié le par Nathalie CourretPr Jean Mariani, médecin neurobiologiste, directeur de l’Institut de la Longévité Charles Foix, université Pierre et Marie Curie, Paris

Une des clés du bien vieillir passe par l’assiette. La frugalité allonge l'espérance de vie. Riches en légumes et peu calorique, certains régimes alimentaires, venus de la Méditerranée ou de l'Asie, sont ainsi plébiscités.

Sur les hauteurs des monts Sicanes, dans le centre méridional de la Sicile, vivent les femmes et les hommes les plus âgés du pays. Cinq villages y abritent quatre fois plus de centenaires que dans toute l’Italie. Un travail physique, une famille très soudée, et surtout une alimentation méditerranéennecaractérisent leur mode de vie.

Ce régime alimentaire, d’ailleurs inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité depuis 2010, est un des secrets de la longévité. Il est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Moins de maladies cardiovasculaires

Toutes les études médicales le montrent : manger méditerranéen est excellent pour la santé. Les bénéfices sont multiples : un poids plus stable, moins de maladies cardiovasculaires, moins d’hypertension, moins de diabète de type 2, moins de certains cancers (ORL, digestifs et du sein), et même un risque réduit de maladies de Parkinson ou d’Alzheimer chez les personnes âgées.

Réputé frugal, en tout cas moins calorique que l’alimentation moderne industrielle, ce modèle pourrait même représenter une forme de “restriction calorique” équilibrée, adaptée à notre métabolisme et proche de notre culture, que nous pourrions adopter sans danger.

L’intérêt ? « La restriction calorique permet de modifier l’espérance de vie dans tout le règne animal, affirme ainsi le Pr Jean Mariani, neurobiologiste. Diminuer son apport calorique de 30 % sans créer de carence – c’est cela qui est important – allonge l’espérance de vie de 30 à 40 %. »

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En quoi consiste exactement le régime méditerranéen ?

L’alimentation méditerranéenne se compose surtout de légumes, de fruits, de céréales (blé dur, riz), de légumineuses, de poissons, de lait fermenté (yaourt, fromages : feta, ricotta...), et de l’huile d’olive.

La viande (agneau, veau, porc) et les sucreries sont rares*. Les plats principaux sont à base de légumes et de légumineuses ; le poisson et la viande donnent du goût, mais ils ne constituent pas le “cœur” du repas. Le vin est présent, mais de façon modérée.

Enfin, l’alimentation est structurée. Manger trois fois par jour, c’est aussi partager un moment convivial.

Concrètement, on fait comment ?

  • On remplit son panier d’aliments méditerranéens : olives, huile d’olive, fruits (citron, orange, clémentine...), noix, amandes, poissons et fruits de mer, poulet, œufs, légumes secs (lentilles, haricots...), céréales de préférence complètes, et légumes.
     
  • On privilégie les légumes :« Une de nos études nous a permis d’observer qu’en France, le bénéfice des légumes prime sur celui des fruits », révèle le Dr Marie-Christine Boutron-Ruault, chercheur en épidémiologie nutritionnelle. Au lieu des “5 fruits et légumes par jour”, il serait donc préférable de manger 4 portions de légumes et 1 fruit, soit environ 300 g de légumes et 100 g de fruits par jour.
    On les choisit rouge, orange, jaune, car leur couleur traduit leur richesse en antioxydants, et l’on prévoit une crudité ou une salade assaisonnée à l’huile d’olive extra-vierge au déjeuner et au dîner, en plus du légume cuit.
     
  • On utilise l’ail, les oignons, les épices et les herbes aromatiques.
     
  • On réduit sa consommation de viande, que l’on remplace par des légumes secs.
     
  • Pour le poisson, idéalement, il faudrait en manger 3 à 4 fois par semaine, mais le bon poisson est cher quand les premiers prix peuvent contenir des métaux lourds et des pesticides. Dans ce contexte, c’est déjà bien de réussir à en manger deux fois par semaine, en favorisant les petits poissons gras (sardines...) de bonne qualité, riches en oméga-3.
     
  • On boit un peu de vin rouge, « pour bénéficier des antioxydants et des polyphénols qu’il contient, en évitant la consommation quotidienne, dit le Dr Boutron-Ruault. Si beaucoup d’arguments plaident en faveur d’un bénéfice cardiovasculaire d’une consommation modérée de vin, tout apport régulier d’alcool est associé à une augmentation du risque de cancer du sein. » La spécialiste conseille de ne pas dépasser un à trois verres par semaine.
     
  • On mange peu si l’on se dépense peu. « Le régime de type méditerranéen n’est bénéfique que chez les femmes consommant 1 800 à 2 000 kcal par jour », indique le Dr Boutron-Ruault. Soit 20 % de moins environ que les apports énergétiques actuellement recommandés (2 400 à 2 500 kcal par jour ou 35 kcal/kg chez un adulte vivant dans des conditions normales). à adapter bien sûr selon son activité physique.

Des exemples de frugalité aussi en Asie

Dans ces régions du monde, ils vivent plus vieux que partout ailleurs.

Au nord de l’Himalaya, au Cachemire, l’air est pur, le travail physique est rude, et l’alimentation à base de légumes et de fruits secs, avec peu de viande.

En Chine, le canton de Chengmai mise beaucoup sur la famille dont le soutien est associé à un meilleur fonctionnement cérébral, en plus des efforts physiques importants et d’une alimentation à base de fruits et de légumes.

En Corée, 90 % des centenaires sont en bonne santé. Leurs secrets ? De l’exercice régulier, des activités de plein air, et une alimentation riche en légumes préparés de façon traditionnelle. Le Na mool consiste à blanchir les légumes dans l’eau bouillante une à deux minutes. Les portions sont réduites, mais bien équilibrées sur le plan nutritionnel.

Au Japon, à Okinawa, la proportion de centenaires est la plus élevée au monde. Leur alimentation est composée essentiellement de légumes, et la restriction calorique quasi culturelle. Un adage connu sous le nom de Hara, Hachi, Bu signifie “n’être qu’à 80 % plein”, et les assiettes se font de plus en plus petites au cours du repas.

* La Méditerranéisation des modes alimentaires dans le monde, G. Palma et M. Padilla, IAMM, Montpellier.

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