La simplicité, le goût et le bonheur

Les petites choses simples font-elles les plus grands bonheurs ? Et sont-elles si simples et si petites, ces choses que nous aimons et auxquelles nous revenons encore et encore pour mieux les oublier à nouveau ?
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Pan tomate en rosace  -  Gros Mangeur

Parfois j’envie les moines et les anachorètes.
J’ai eu ce désir fou un jour de me retirer du monde et d’entrer dans la vie monastique. Le monastère qui serait le mien était producteur de pâtes de fruits. Les fruits étaient ceux du verger, et c’est là que j’ai appris l’importance de la pectine dans le processus de prise de la pâte de fruit, comme de la confiture ou de la gelée par exemple.
Après un mois passé à me convaincre de l’impérieuse nécessité où j’étais d’entrer là pour toujours, je suis parti passer quelques jours chez ma mère, je ne suis jamais retourné au monastère.
Ce calme profond, ce respect du produit et de sa préparation sans affectation ni chichis, c’est toujours quand je le trouve que je suis le plus heureux.
Invariablement, le plaisir ressenti en savourant une tranche fine de ce fromage de brebis si difficile à bien couper, le moment où je verse de ma délicieuse huile d’olive bien ardente dessus et me sert à nouveau une tranche fine, la dernière évidemment, et que je sauce les derniers reliefs avec un morceau de pain, ces moments-là me transportent au pays du bonheur.
Plus je fréquente de restaurants plus j’admire les chefs d’affronter ce qui, à la fin des fins, est pour chacun d’entre nous le meilleur du meilleur, cette saveur que l’on reconnaît entre mille parce qu’elle nous vient de l’enfance, d’une mère ou d’une grand-mère, d’un oncle ou d’un père. C’est imbattable, impossible à surpasser. Et c’est toujours absolument simple.
L’autre jour je passais un moment avec mon ami Jacques Genin, roi des gâteaux, prince de la tarte et des tartelettes, empereur des confiseries, des pâtes de fruits justement, et des chocolats et caramels. Nous papotions pendant qu’il s’affairait et il a sorti une soupe de fraises qu’il avait mise au frais. Nous la goûtons et Bing ! Nous nous écrions : « Qu’est-ce que tu veux faire de mieux et de plus simple ? » C’était si bon, si plein de goût, si délicieux.

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Toi aussi construis une petite auto de tomate et de pain (Gros Mangeur)

C’est l’été, voilà bien le moment idéal pour faire une cure de simplicité et de goûts. On peut quérir des tomates délicieuses sur les marchés, des tomates de pleine terre, de vrais fruits, qui n’ont pas poussé enfermées dans d’odieuses serres, à septante centimètres du sol, à près de soixante degrés, calibrées et sans goût. Ces bonnes tomates on peut en faire plusieurs choses et d’abord les manger crues.
Moi je les pèle. L’économe qui permet de peler les tomates est l’une des inventions que je place au plus haut du génie humain.
Une règle : pas de vinaigre. Jamais. Seulement de l’huile.
C’est là que j’ai ma botte secrète : Les huiles de la région qui produit le plus d’huile d’olive au monde, la province de Jaén, en Andalousie, et celles de l’adjacente province de Cordoue. C’est ici que l’on trouve les plus immondes saloperies imaginables en même temps, pas aux mêmes endroits toutefois, que certaines des meilleures huiles d’olive de la galaxie. Ça se passe dans une mini-région superbe, la Subbétique, en particulier dans trois villes : Baena, Luque et Priego de Córdoba. J’aurais dû citer Carcabuey et Alcaudete mais il faut bien se limiter un peu.
Du pain. Oserais-je préciser du pain blanc ? Avec une bonne croûte et une bonne mie. Pas trop salée car le plaisir ultime est de saupoudrer très légèrement de cristaux de sel que l’on fait craquer entre le pouce et l’index.
Simple. Le bonheur vous dis-je.

Mille saveurs Par Jean-Bernard Magescas

Sans aucune autre concession que celle du plaisir joyeusement revendiqué, "Mille Saveurs" nous entraine vers l'infini et au-delà de la gastronomie, familiale aussi bien que trois étoiles. Ici on ne critique pas, on jouit.

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