Sharp entame sa descente aux enfers

L'action de la multinationale, malmenée depuis des mois par des rumeurs sur la réduction drastique de son capital, s'effondre dans des proportions inédites.

Source AFP

Le titre Sharp a plongé lundi matin de 31 %, du jamais-vu en plus de 40 ans.
Le titre Sharp a plongé lundi matin de 31 %, du jamais-vu en plus de 40 ans. © NEWSCOM/SIPA

Temps de lecture : 4 min

Malmenée depuis des mois par d'incessantes rumeurs démenties en vain, l'action Sharp s'effondrait lundi dans des proportions inédites, les médias nippons affirmant que la multinationale allait procéder à une réduction de 99 % de son capital pour revenir au niveau d'une PME et tenter d'éviter la faillite. Le titre de ce fleuron national fondait de 31 % en début de matinée, du jamais-vu en plus de 40 ans : il ne peut pas tomber plus bas pendant la séance de lundi en vertu des règles du marché. À la clôture, l'action se reprenait pour finir à 190 yens, soit une perte de 68 yens (- 26,35 %).

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Les investisseurs accordent la plus grande foi aux informations des médias qui étalent au grand jour les "plans à l'étude" chez Sharp, laquelle s'ingénie à tout nier, sans pouvoir masquer la gravité de sa situation. En mars déjà, l'agence de notation financière Standard & Poor's avait décidé de dégrader de 3 crans à CCC+ la note de Sharp. "À l'heure actuelle, nous réfléchissons à diverses possibilités, y compris l'émission d'actions préférentielles ou la réduction de capital, mais rien n'a été décidé", a assuré Sharp lundi dans un bref communiqué. "Nous ferons part de nos choix lors de la présentation de nos résultats et de notre plan d'affaires à moyen terme le 14 mai", précise l'entreprise.

20 milliards d'euros de chiffre d'affaires

Reste que les fuites, émanant soit de la firme elle-même, soit de ses banques, sont considérées comme suffisamment crédibles pour que les donneurs d'ordres se mettent à l'abri. C'est qu'une telle décision de réduction de capital serait pour le moins inhabituelle pour une société de cette envergure qui totalise un chiffre d'affaires annuel de plus de 20 milliards d'euros. Elle verrait en effet passer son capital actuel de 120 milliards de yens (890 millions d'euros) à 100 millions de yens (740 000 euros) ou moins, soit une diminution de quelque 99 %, qui laisserait cependant intacts les droits de vote des actionnaires.

Le but serait de faire revenir cette entreprise de renommée internationale dans une catégorie inférieure, où la pression fiscale est moins forte, et de lui permettre d'effacer des pertes. Ce procédé, s'il est effectivement envisagé par le groupe, doit cependant être approuvé par l'assemblée générale des actionnaires en juin. "Tout le monde comprend aisément ce qu'est une augmentation de capital et son but, qui est par exemple d'investir pour élever ses capacités de production. Mais une réduction de capital est quelque chose de beaucoup plus difficile à appréhender", reconnaît dans une note l'essayiste Seiji Ogasawara, auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie des sociétés japonaises.

Pertes successives

Dans le cas de Sharp, ce sont les pertes successives accumulées ces dernières années qui motiveraient la réduction de capital. En d'autres termes, "Sharp reviendrait à une situation jugée plus saine, où le capital reflète mieux l'état financier de la société" et cela lui permettrait de repartir sur des bases plus justes, en bénéficiant notamment du statut fiscal plus avantageux de PME, selon les médias et Seiji Ogasawara. Pour ce dernier, cela serait à la limite de la faillite.

"Une réduction de capital de 100 % (synonyme de défaillance pour excès de dette) signifierait la disparition des droits des actionnaires et une radiation de la Bourse, mais 99 % fait penser à une solution de dernier recours pour préserver au moins ces deux choses", souligne Seiji Ogasawara. "On peut considérer que la décision est que Sharp ne doit pas faillir", tranche-t-il. La presse a récemment fait état d'informations selon lesquelles le gouvernement aurait fait pression sur les banques pour qu'elles évitent le naufrage de Sharp.

Concurrence sur les écrans de smartphones et tablettes

Cette société traverse depuis des années une crise qui a épuisé plusieurs patrons après des réorganisations ou cessions d'activités qui n'ont pas suffi à remettre durablement l'entreprise d'aplomb. La firme est plus particulièrement secouée par la concurrence sur le segment des écrans de smartphones et tablettes, son domaine d'excellence. D'autres acteurs de poids, dont des groupes asiatiques et son compatriote Japan Display, lui mènent la vie dure avec d'incessantes diminutions de prix.

Par ailleurs, après avoir souffert de la cherté du yen qu'il l'a forcé à délocaliser à l'étranger la production d'appareils électroménagers, Sharp pâtit désormais durement de la baisse importante de la devise qui a pour effet de renchérir considérablement les prix des produits assemblés à l'extérieur et importés ensuite pour être vendus au Japon.

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