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Interview sur les mineurs non accompagnés


LIBE

Voici les réponses de Nathalie Griesbeck à une interview sur son rapport d’initiative sur la situation des mineurs non accompagnés au sein de l’Union Européenne, à la veille de son vote en session plénière du Parlement Européen.

En mai 2010, la Commission et le Conseil ont dessiné les contours d’une politique commune visant à améliorer la situation des mineurs non accompagnés (enfants âgés de moins de 18 ans et vivant seuls) dans l’Union Européenne. Un plan d’action quadriennal (2010 – 2014) basé autour de quelques priorités comme l’accueil et la prévention, avait été adopté : quel bilan tirez-vous de ce plan à mi-parcours ?

Bien sûr, je salue l’adoption par la Commission européenne d’un plan d’action sur les mineurs non accompagnés : c’est la preuve de l’importance de ce sujet, de la situation de ces mineurs et de la protection de leurs droits.

Toutefois je regrette que l’approche choisie par la Commission soit beaucoup plus descriptive qu’active. Le plan d’action cible certaines difficultés – telles que le manque de statistiques, la question du retour, la lutte contre la traite, etc. – mais n’aborde pas suffisamment, à mon sens, les problématiques principales relatives aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés et à leur protection.

Au-delà, l’évaluation à mi-parcours de ce plan d’action et la situation actuelle au sein des Etats membres nous montrent bien que certes, des progrès ont été fait, mais surtout qu’il subsiste de nombreuses lacunes dans la protection des droits de ces mineurs, des violations de leurs droits fondamentaux et qu’il n’y a pas de véritable prise en compte globale et spécifique du phénomène ; en cela nous demandons à la Commission d’aller plus loin, en adoptant, par exemple, des lignes directrices sur les mineurs non accompagnés et que davantage soit fait, par la Commission, par les Etats membres, par les autorités nationales ou locales, par les acteurs, etc. afin de protéger ces mineurs qui sont avant tout des enfants!

 

Votre rapport souligne le manque de données statistiques satisfaisantes. Êtes-vous néanmoins en mesure de donner une estimation du nombre d’enfants concernés par cette situation.

Non, il est actuellement très difficile d’estimer le nombre de mineurs non accompagnés présents sur le territoire des Etats de l’Union européenne. Car les statistiques existantes sont limitées aux mineurs non accompagnés demandant l’asile et à ceux obtenant un permis de séjour (en 2011, 12225 demandes d’asile ont été introduites dans l’UE27 par des mineurs non accompagnés et les États membres ont délivré un total de 4406 permis de résidence à des mineurs non accompagnés). Or le « phénomène des mineurs non accompagnés » ne se limitent évidemment pas aux mineurs qui demandent l’asile et encore moins à ceux qui obtiennent un permis de séjour en Europe. Ce manque de statistiques complètes et fiables est un véritable problème car comment avoir une vision globale du phénomène, en apprécier l’ampleur, réfléchir à des solutions, savoir comment protéger ces mineurs, etc. si l’on ne sait même pas combien de mineurs sont concernés ? Nous soulignons cela dans le rapport et demandons davantage aux institutions européennes et aux Etats membres.

 

Quelles sont les différentes raisons qui expliquent que ces mineurs puissent se retrouver seuls au sein de l’un des 28 Etats membres de l’UE ? L’actualité internationale récente en Syrie, en Libye, en Afghanistan voire en Afrique du Nord a-t-elle aggravé le phénomène; e, raison du nombre de réfugiés générés par ces évènements?

Les raisons de l’arrivée de ces mineurs en Europe sont multiples et variées : ces enfants fuient leur pays pour échapper à la guerre, ils fuient des violences, ils fuient un enrôlement dans des forces armées, ils quittent leur pays de peur de répressions liées aux activités de leurs proches ou de leur famille, ils fuient des persécutions, des catastrophes naturelles, ils essayent d’échapper à la pauvreté. Certains sont victimes de trafics d’êtres humains : exploitation sexuelle, prostitution, esclavage domestique, réseau de criminalité, etc.  Certains sont mandatés par leur famille pour « réussir », faire des études, travailler pour aider financièrement leur famille, etc. Par voie terrestre, maritime, aérienne, ils traversent pays et frontières pour rejoindre des régions très éloignées de leur pays de départ. Bien sûr, l’actualité internationale et les conflits aggravent ce phénomène, en témoigne le nombre de mineurs syriens arrivés sur le territoire de l’Union Européenne ces derniers mois.

Comment parvenir à mettre en place une coopération efficace entre les différents acteurs concernés par ce sujet (institutions, agences européens, Etats membres, pays tiers, organisations non gouvernementales, etc.) et pour atteindre quels objectifs?

L’Union Européenne et les Etats membres ont le devoir de protéger ces enfants et l’objectif ultime de toute mesure concernant les mineurs non accompagnés est d’identifier, dans le respect de leur intérêt supérieur, une solution durable qui peut être le retour dans le pays d’origine, l’intégration dans le pays d’accueil ou la réinstallation dans un pays tiers, en vue d’un regroupement familial.

Comment? L’adoption de lignes directrices sur les mineurs non accompagnés au niveau européen (que je propose dans le rapport) viendrait poser des standards européens minimums de protection pour ces mineurs. Ces lignes directrices, prises en compte et suivies par les Etats membres, permettraient non seulement une meilleure protection de ces mineurs et de leurs droits fondamentaux, mais aussi une meilleure coordination entre Etats, entre acteurs européens, nationaux et locaux, entre praticiens.

 

12 septembre 2013