Les
grandes entreprises françaises – y compris celles où l’Etat français reste très
présent – sont nombreuses à s’établir aux Pays-Bas pour des raisons
fiscales. Ces dernières années, la constitution de holdings financiers
néerlandais par des entreprises françaises est une pratique qui s’est répandue,
d’après notre enquête.
Les
sociétés énergétiques EDF et GDF Suez, le géant de l’industrie de la défense
Thales et la société des eaux Veolia comptent parmi les entreprises qui ont
récemment fondé des holdings financiers aux Pays-Bas. Dans ces quatre
entreprises, l’Etat français détient une importante participation. Dans le cas
d’EDF, elle représente même 84 %.

Il est
d’autant plus étonnant que des entreprises françaises pratiquent
l’évasion fiscale qu’en France, le départ de la star de cinéma Gérard Depardieu
et de l’homme d’affaires Bernard Arnault à l’étranger, où le régime fiscal est
plus avantageux, a fait beaucoup de bruit. Le chef du gouvernement Jean-Marc
Ayrault et certains ministres ont exprimé de vives critiques concernant ces “traîtres”.

Or il
s’avère à présent que l’Etat français profite lui-même de régimes fiscaux
avantageux à l’étranger. “Nous sommes totalement hypocrites,” souligne le
sénateur français Eric Boquet (Parti communiste) en réaction à l’enquête menée
par le Financieele Dagblad. M. Eric
Boquet a dirigé quant à lui l’été dernier une commission d’enquête du Sénat
français sur l’optimisation fiscale et les paradis fiscaux.Une vingtaine de grandes
entreprises françaises (au chiffre d’affaires supérieur à 2 milliards d’euros, parmi lesquelles EDF, GDF Suez, France Télécom, Thales, EADS)
ont chacune établi au moins un holding financier aux Pays-Bas. Elles peuvent
ainsi bénéficier des multiples conventions fiscales qu’ont conclues les
Pays-Bas et en tirer des avantages majeurs. Parmi ces 20 entreprises
figurent d’anciennes entreprises publiques, mais aussi des sociétés dans
lesquelles l’Etat détient une participation stratégique.

La
société d’électricité EDF en constitue un bon exemple. Avec la société Delta, dont le siège est situé dans la province néerlandaise de Zélande, EDF est propriétaire de la centrale de SLOE, à Vlissingen. EDF
a par ailleurs trois holdings financiers à Amsterdam, dont deux ont été créés
fin 2011. Dans ces sociétés anonymes, les participations d’EDF
ont été englobées dans deux centrales polonaises, après le rachat de ces centrales par l’allemand
EnBW. Selon un porte-parole d’EDF, l’entreprise n’a pas pour politique de
“recourir à ce genre de constructions”.

Il est
difficile de chiffrer l’avantage fiscal que représente une telle construction
pour les entreprises françaises, car les comptes annuels consolidés ne permettent
pas d’évaluer le montant des bénéfices qui passent par les Pays-Bas. Les Pays-Bas
présentent cependant l’avantage d’exempter à 100 % les bénéfices provenant
d’activités en Pologne par exemple. En France, en revanche, EDF devrait
déduire 5 % d’impôt sur les bénéfices issus de ces mêmes activités. “Il y a donc suffisamment de
raisons d’opter pour les Pays-Bas”, explique un conseiller fiscal souhaitant
préserver son anonymat.Rendez-vous : l’intégralité de l’enquête du Financieele Dagblad traduite en français à lire le 28 janvier sur courrierinternational.com.