Portrait de Gaétan Barrette

Le bulldozer

Gaétan Barrette traîne une image de matamore qui ne s’en laisse pas imposer. « Un peu comme s’il se levait chaque matin en disant au Bon Dieu qu’il peut aller se recoucher, qu’il est levé maintenant », lance un ancien gestionnaire du réseau.

Batailleur de ruelle, col bleu des médecins, bulldozer. Les qualificatifs pleuvent pour décrire le flamboyant radiologiste. Il faut dire qu’il ne fait jamais dans la dentelle, quitte à brasser la cage et à déranger au passage.

Quand la crise du cancer du sein a éclaté, en 2009, le Dr Barrette a affirmé que ce n’était que « la pointe de l’iceberg ». Une étude avait révélé des erreurs dans les laboratoires de pathologie, entraînant la reprise de tests pour le cancer du sein et de l’inquiétude pour des milliers de patientes. Il a vilipendé le gouvernement, qualifiant au passage l’intervention du ministre de la Santé d’alors, le Dr Yves Bolduc, « d’amateurisme ». Ce même Yves Bolduc qu'il vient de rejoindre chez les libéraux.

Gaétan Barrette aime se retrouver sous les projecteurs. « C’est un fighter », affirme un médecin qui le connaît bien. 

« Il carbure au pouvoir. C’est un gars extrêmement convaincant, un workaholic total, un adversaire coriace. »

— Un médecin qui connaît bien Gaétan Barrette

Il ne met jamais de gants. Il aime les déclarations qui ont du punch. Il n’hésite pas à user de jurons quand il le juge nécessaire.

La méthode pour lui faire face, c’est le judo, affirme Rémy Trudel. L’ancien ministre de la Santé dans le gouvernement Landry a négocié avec le Dr Barrette le dossier de la modernisation des appareils de radiologie dans les hôpitaux au début des années 2000.

« Il faut prendre ce qu’il dit et le tourner à son avantage. Il faut faire du judo, illustre M. Trudel. Sauf que lui, il n’en fait pas. C’est une force brute. Il fonce. »

« Il est franc. C’est un bulldozer. Par sa force physique, mais aussi par sa présence, il en impose », commente l’ancien président et directeur général de l’Agence de santé de Montréal, David Levine.

Une ténacité qui dérange

Le coloré personnage dérange. Par ses propos qui peuvent être blessants, par son attitude parfois cavalière, par son argent aussi. Même s’il s’est toujours défendu de figurer parmi les radiologistes les mieux payés, il habite une maison cossue de Mont-Royal et se le fait rappeler régulièrement.

Ses détracteurs l’accusent d’en faire trop. 

« S’il t’a ciblé comme ennemi, il ne te lâchera pas. » 

— Un médecin qui connaît Gaétan Barrette

À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, où le Dr Barrette a fait la majeure partie de sa pratique, il laisse derrière lui des cicatrices encore vives. Une chicane entre sa conjointe – également radiologiste dans cet hôpital – et les autres membres du département a dégénéré au point de se retrouver devant les tribunaux. Chacun s’accusait de harcèlement.

L’épouse du Dr Barrette a été condamnée à dédommager ses collègues pour quelques centaines de milliers de dollars, un jugement qu’elle a porté en appel.

Personne n’est sorti indemne de ce conflit. « Même s’il n’en a rien laissé paraître, ce fut une période excessivement difficile pour lui sur le plan personnel », confie son ami, le Dr Michel Lalier, chirurgien pédiatrique à l’hôpital Sainte-Justine.

Pourtant, le Dr Barrette est loin d’être un intimidateur, comme certains voudraient le faire croire, affirme le Dr Lalier.

« J’ai eu assez de discussions houleuses avec Gaétan, la porte fermée, pour le dire. On peut discuter de n’importe quoi avec lui, mais il faut argumenter. Et il n’a pas la langue dans sa poche. »

Des manières rustres, mais efficaces

Tous les moyens sont bons pour faire avancer la cause à laquelle il croit. Même le spectacle. Comme en 2008, quand l’ex-président de la FMSQ a dirigé une campagne contre le nouveau CHUM. Il estimait que le projet – élaboré sous la gouverne de Philippe Couillard – n’était pas assez gros.

En pleine conférence de presse, il a déchiré d’un geste théâtral la belle brochure en papier glacé montrant le futur CHUM. « Un coup de génie », estime le Dr Paul Perrotte, président du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CHUM. « On a récupéré 72 lits de plus, principalement pour nos missions chirurgicales. »

Ses manières sont souvent rustres. « Il risque de briser quelques pièces de porcelaine s’il est élu », commente le porte-parole du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, qui le côtoie dans le réseau depuis des années.

Saurait-il être apprécié comme politicien ? « Les gens me catégorisent. Pourtant, je m’adapte, je me moule à la fonction qu’on me donne », rétorque-t-il en entrevue, rappelant qu’il n’a jamais agi avec ses patients comme il l’a fait à la tête d’un syndicat de 8000 spécialistes. C’est-à-dire avec son approche un peu bulldozer.

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