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août 16, 2010 / Denis Chemillier-Gendreau

Peut-on être keynésien avec un déficit public de 10% du PIB ?

La grave crise économique qui a frappé le monde entre 2008 et 2009 a eu comme effet inattendu de créer une sorte de « consensus keynésien ». Tous les pouvoirs impliqués directement ou indirectement dans la gestion de l’économie mondiale, des banques centrales aux Ministres de l’économie en passant par les instances supranationales (FMI, Banque Mondiale, OCDE, etc.) ont immédiatement eu un réflexe keynésien pour aborder la crise : « Puisque la crise de 29 a été aggravée par les réactions égoïstes et désordonnées (protectionnisme) et inappropriées (rigueur budgétaire) des décideurs d’alors, il faut réagir aujourd’hui à la crise de 2008 par une politique expansionniste. » Voici pourquoi, en quelques mois, le déficit budgétaire des principaux pays a explosé : aux Etats- Unis, il est passé de 459 milliards de US$ pour la période mi-2007 / mi-2008 à 1.409 milliards pour la période mi-2008 / mi-2009, tandis qu’il passait en France de 56 milliards d’euros en 2008 à 138 milliards en 2009.

Cette injection folle et démesurée d’argent des contribuables … futurs (car tout cela est évidemment financé par déficit, donc par endettement) a produit un effet positif sur la croissance : les commentateurs les plus keynésiens se réjouissent benoitement qu’en injectant l’équivalent de 5% du PIB dans l’économie, on obtienne une croissance de 5%… Il est encore trop tôt pour calculer a posteriori le multiplicateur associé à ces dépenses publiques, mais je veux bien parier très cher qu’il est faible, c’est-à-dire  proche de 1. Quelques commentaires intéressants sont déjà disponibles pour montrer combien le peu de croissance enregistrée aux Etats- Unis fin 2009 et début 2010 est presque exclusivement dû aux déficits publics… En clair, la « magie keynésienne », qui veut qu’en injectant 100 dans l’économie, on obtienne 150 de croissance par le jeu du multiplicateur, n’a pas fonctionné.

Derrière l’unanimité contrainte des pays en faveur de ce « réflexe keynésien », lorsque le gros de la crise est passé, des différences d’appréciation se sont faites jour parmi les grands gouvernements. Pour simplifier (mais « simplifier n’est pas travestir ! »), nous avons, d’un coté, les pays qui maintiennent une approche keynésienne au-delà du réflexe de « gestion de crise », et d’un autre coté les pays qui abandonnent au plus vite la folie des déficits pour s’attaquer à retrouver l’équilibre des comptes publics.

Du coté des premiers, nous trouvons les Etats-Unis et la France par exemple, qui chacun à leur façon ont continué à conduire une politique budgétaire très accommodante, même après la crise. Aux Etats-Unis, le déficit budgétaire devrait être encore creusé sur la période mi-2009 / mi-2010 (1.500 milliards, soit environ 10,5% du PIB) tandis que la France s’attend à un déficit de l’ordre de 150 milliards en 2010, plus fort qu’en 2009.

Du coté des seconds, il faut ranger les pays qui ont su redevenir raisonnables dès que le gros de l’orage est passé. L’Allemagne, par exemple, a su conduire un plan audacieux de contrôle de ses dépenses publiques, tandis que l’Angleterre s’engageait elle aussi dans un plan drastique de réduction de son déficit budgétaire.

Il est amusant de constater que ce partage des pays entre les « hyper-keynésiens » (France, USA, …) et ceux qui savent limiter le Keynésianisme à une attitude de crise, ne reflètent pas exactement les idéologies politiques : on trouve ainsi côte-à-côte un Obama et un Sarkozy dans le premier groupe, tandis que le second voit se côtoyer le socialiste Zapatero et le conservateur Cameron.

Les adeptes du premier camp adhèrent à un keynésianisme qui date des années 1950 et ils ignorent 40 années de développements économiques consacrés à prendre en compte, dans les modèles économiques, les anticipations des agents. Notamment, la recherche économique autour du keynésianisme a bien dû prendre en compte le fait que les agents ne sont pas idiots et peuvent identifier, derrière la figure rassurante de l’Etat et de ses poches profondes, l’ombre de leurs impôts. L’agent contractuel de l’Etat qui a vu son CDD prolongé d’une année par Obama mesure pleinement le bénéfice de la politique keynésienne, mais cela ne le fera pas pour autant consommer plus. Il sait bien que son emploi n’est pas raisonnable, donc pas pérenne, mais qu’en plus il aura à en payer le prix plus tard sous la forme d’impots supplémentaires. En économie comme ailleurs, une action par nature temporaire ne peut avoir un effet pérenne…

Ce qui est pérenne, en revanche, c’est l’accumulation de dette publique. En France, le dernier excédent budgétaire date de … 10 ans ? 20 ans ? mais non : 37 ans ! Il faut avoir plus de 37 ans pour avoir connu un excédent budgétaire en France ! Les consommateurs connaissent ces chiffres, sinon dans les détails, du moins dans leur ordre de grandeur. Et s’ils voulaient les oublier, les marchés financiers seraient là pour les leur rappeler : car qui dit « déficit » dit « endettement » et donc « dépendance par rapport à des créanciers ». Il est dans la nature humaine que les débiteurs n’aiment pas dépendre de leurs créanciers, mais il est dans les lois d’airain de l’économie que les seconds ne peuvent être ignorés par les premiers.

Les récentes statistiques sur la croissance mondiale du second trimestre sont venues sanctionner les pays : du coté des « hyper-keynésiens », même en mettant de coté la Grèce mise à genoux sous la poids de ses folies budgétaires, les USA ont accouché d’une croissance mole et d’un chômage décevant, tandis que la France a dû se contenter d’une croissance d’à peine 30% de la croissance allemande…

La grande leçon économique de ces dernières expérimentations keynésiennes bien mal maîtrisées est que la croissance est d’abord le fait des acteurs privés – entrepreneurs, consommateurs – et qu’il appartient à l’Etat de créer un environnement de confiance, sans prendre ces acteurs privés pour plus stupides qu’ils ne sont. Faire exploser la dette publique parce que l’on manque du courage de ne pas renouveler quelques dépenses inutiles n’a jamais conduit un artisan à embaucher ou un consommateur à acheter. Si vous ne me croyez pas, passons ensemble à l’expérimentation ultime : demandons à l’Etat de recruter nos 3 millions de chômeurs, dont la moitié sera chargée de creuser des trous que l’autre moitié rebouchera, et nous verrons l’impact sur la croissance à 2 ou 3 ans !

Le Keynésianisme est né à une époque déterminée qui a conditionné à la fois sa conceptualisation et son efficacité. Quelques décennies plus tard, dans un environnement marqué par l’explosion des déficits et des dettes publics, le keynésianisme est à revisité et à consommer avec modération.

4 commentaires

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  1. Paul Trehin / Avr 23 2011 3:24

    BONJOUR?
    Vous dites avec raison :
    le déficit budgétaire des principaux pays a explosé : aux Etats- Unis, il est passé de 459 milliards de US$ pour la période mi-2007 / mi-2008 à 1.409 milliards pour la période mi-2008 / mi-2009, tandis qu’il passait en France de 56 milliards d’euros en 2008 à 138 milliards en 2009.

    Vous semblez oublier que la plus grosse partie de l’augmentation du déficit public dans tous ces états vient du sauvetages des grandes banques celles que les financier avaient surnomées « Too big to fail »

    Or contrairement à ce qu’une politique Keyneisiennes aurait impliqué, ces fonds versés aux banques n’ont pas étés réinvestis dans l’économie réelle, d’où leur manque d’effet sur un redémarage de l’économie. Les banques ont repris avec cette manne financière leur comportements d’avant 2008, ceux la même qui avaient conduit à la crise…

    Permettez moi de vous proposer de voir la vidéo de Richard Koo, chef économiste au Nomura Research Institute in Japan:
    “How the West is Falling Into the Same Trap as Japan in the 1990s, Failing to Understand the Strangeness of a “Balance Sheet Recession”

    http://ineteconomics.org/richard-koo

    Richard Koo est bien évidemment loin d’être un activiste de gauche ou anticapitaliste, au contraire il tente de prévenir les autorités occidentales des risques d’un accroissement de la récession s’ils suivent le même genre de politiques que celles suivies par le Japon dans les années 1990, politiques qui ont prolongé la crise au lieu de la réduire.
    Il y explique que dans la situation actuelle, ni une politique monétariste ni une politique de restrictions budgétaire ne pourrons faire sortir nos économies de la crise.
    Oui il y a bien un risque d’endettement des générations futures avec les déficits publics, mais il s’agira de dettes en argent. En revanche la dégradation annoncée des services publics et des investissements d’infrastructures que vont causer les restrictions budgétaires publiques, telles qu’appliquées globalement et sans discernement dans la plupart des pays occidentaux va conduire relativement rapidement ces pays dans des situations d’infrastructures socio-économiques semblables à celles connues dans les pays du tiers monde, ce qui ne sera pas une bonne base pour relancer nos économies. Les générations futures auront donc à remettre les économies à niveau en partant de très bas. Rappelons que l’économie de marché a besoin de lubrifiants pour fonctionner. Ces lubrifiants sont des infrastructures de transport et de communication, des systèmes éducatifs capables de former des individus à des fonctions productives dans les entreprises ou dans les professions du commerce et les professions libérales, un système de santé évitant de longs absentéismes au travail et un meilleur niveau de participation à l’économie en général.

    Cela risque d’avoir à être reconstruit avant de voir nos économies commencer à essayer de sortir de la crise, que dis-je crise , l’abîme dans lequel les politiques actuelles la conduisent rapidement.

    Juste pour information, la Commission Européenne, elle non plus peu suspecte d’activisme gauchiste, a publié en 2003 un document intitulé: »COSTS OF NON-SOCIAL POLICY: TOWARDS AN ECONOMIC FRAMEWORK OF QUALITY SOCIAL POLICIES – AND THE COSTS OF NOT HAVING THEM »
    http://www.ucc.ie/social_policy/EU-docs-socpol/Fouarge_costofnonsoc_fina

    Bien évidemment, il est nécessaire d’appliquer des politiques d’investissement public rigoureuses… Mais des restrictions budgétaires appliquées massivement à tous les investissements publics me semblent plus ressortir de démarches idéologiques que de rigueur économique scientifiquement fondée.
    Paul Tréhin
    Economiste de formation et ancien prévisionniste dans une très grande entreprise internationale, avant de devenir analyste au niveau des politiques sociales européennes.

    • Denis Chemillier-Gendreau / Avr 24 2011 11:37

      Cher Monsieur. J’ai lu avec attention votre commentaire et vous en remercie. Je crains cependant de ne pas être en plein accord avec vous.
      Je ne constate pas, comme vous avez l’air de le faire avec évidence, une « dégradation annoncée des services publics et des investissements d’infrastructures que vont causer les restrictions budgétaires publiques ». Je crois à l’intérêt des chiffres et n’importe quel benchmarking international nous démontre que nous avons trop de fonctionnaires. La réduction de leur nombre n’implique nullement une « dégradation des services publics » que je ne souhaite pas plus que vous. Je pense même que les personnes qui mettent en danger les services publics sont ceux qui utilisent l’argument de leur défense pour défendre en fait l’intérêt catégoriel des fonctionnaires. Je vous invite à faire une grande différence entre la défense des fonctionnaires et la défense des services publics : on peut être farouchement pour la seconde sans se sentir concerné par la première.
      Vous évoquez le fait que nous ayons à « reconstruire » nos services publics : je vous invite à attacher plus de soin au choix des mots, car il est difficile de convaincre les lecteurs de mon blog que nous assistons à une « déconstruction » des services publics. Plus généralement, il est assez clair que le déficit budgétaire français est lié à l’excès des budgets de fonctionnement et à l’empilement des fonctions publiques territoriale et nationale et c’est sur ces sujets qu’il faut faire porter l’effort. Adapter le nombre d’enseignants au nombre d’élèves, par exemple !
      J’ai aussi lu avec attention ce que vous écrivez à propos des déficits budgétaires et des banques. Lorsque vous dites que « la plus grosse partie de l’augmentation du déficit public dans tous ces états vient du sauvetages des grandes banques » vous avez tort, évidemment : rien qu’en France, comme vous le savez, les financements accordés aux banques pour les aider à passer le cap de la crise ont été remboursés, et ont d’ailleurs au passage produit des intérêts, ce qui est normal. Quand bien même vous auriez raison, votre argument selon lequel « ces fonds versés aux banques n’ont pas étés réinvestis dans l’économie réelle » est lui aussi évidemment faux en ce sens que sans la remise à niveau de leurs fonds propres, les banques sauvées n’auraient pas pu octroyer des financements par la simple application du mécanisme du ratio Cooke.
      Pour conclure sur une note plus empathique, je vous suis parfaitement lorsque vous écrivez : « il est nécessaire d’appliquer des politiques d’investissement public rigoureuses ». Mais encore une fois, vous êtes prisonnier de votre confusion entre « défense des fonctionnaires » et « défense des services publics » : c’est en travaillant tous ensemble à l’efficacité de la fonction publique, à la réduction permanente du coût des services publics, que nous dégagerons des marges de manœuvre pour orienter la dépense publique vers la préparation de l’avenir.

  2. Paul Trehin / Avr 25 2011 1:58

    Très sincèrement, je n’ai pas envie de voir mes prévisions pessimistes sur la sortie de la crise de 2008 2010 se réaliser.

    En fait, mes plus gros échecs comme prévisionniste économique professionnel dans le monde de l’industrie, furent ceux où j’avais malheureusement eu raison et que je n’étais pas arrivé à convaincre ma hiérarchie de la validité de mes prévisions,
    Parfois pour des prévisions très positives:
    Prévisions auxquelles mon management n’a pas cru ou voulu croire pour des raisons de stratégie interne n’ayant rien à voir avec des considérations liées au marché que j’avais avancées… Il s’agissait par exemple dès 1975 de la prévision que non seulement les ordinateurs personnels allaient devenir un marché monumental, mais que loin d’empiéter sur la vente des très gros systèmes informatiques (Mainframes) , ils allaient au contraire rapidement renforcer la demande pour ces gros systèmes, répendant à tous les niveaux des entreprises la pratique de l’ordinateur relié à un système central dès 1980 ou comme comme on le voit maintenant de manière flagrante depuis les années 2000 avec l’explosion du marché des ordinateurs domestiques reliés à des serveurs informatiques et maintenant encore plus avec la technologie dite de l’informatique en nuage (Cloud Computing)
    D’autres fois pour des prévisions dans un sens négatif.
    J’avais été invité par ma hiérarchie directe à faire des prévisions sur l’aspect soutenable dans l’entreprise où je travaillais, de taux de profits avant taxes de l’ordre de 25% (je dis bien 25%) et de taux de croissance de l’ordre de 30% annuel (Au milieu des années 70) là où les concurrents de la même taille ( plus de 200 000 employés) dans les industries de la même branche (informatique et électronique), étaient de l’ordres de 2% pour les profits et de 3 % pour la croissance… Après une étude très approfondie j’avais démontré que des performances tellement « en dehors de la courbe », par rapport à nos concurrents ne pourraient pas durer et qu’il faudrait envisager une adaptation progressive du fonctionnement de l’entreprise ainsi que des réorganisations pour revenir à des taux de profits et de croissance plus en lignes avec ceux de nos concurrents tout en maintenant un niveau de revenu de l’entreprise très élevé. Avec mon patron direct et même l’aide d’un des vice-présidents de l’entreprise au niveau européen, nous avons proposé à la direction mondiale de procéder à ce que l’on appelle en anglais (a Gracefull dégradation) en évitant les traumatismes de chocs économiques et sociaux prévisibles à plus long terme.
    Là aussi notre analyse était malheureusement bonne, mais nous ne sommes pas parvenus à convaincre la direction générale mondiale : « Nous faisons des profits superbes et avons une croissance merveilleuse, de quoi vous plaignez vous ? »… Environ 12 ans plus tard, l’entreprise a dû procéder à des réajustements brutaux avec plus de 100000 suppressions d’emplois, en moins de deux ans… Près de 40 ans plus tard j’ai encore dans ma mémoire la trace de l’échec de ne pas avoir su convaincre ma hiérarchie et que mes prévisions pessimistes se soient réalisées.

    Je ne suis pas le seul prévisionniste de métier à avoir ce sentiment d’échec quand une prévision pessimiste se réalise, je ne retrouve plus à cet instant les références d’un article évoquant cet aspect des prévisions économiques.

    Revenant à votre réaction à mon message initial, je peux facilement comprendre que les commentaires d’une personne n’ayant pas une compétence publiquement reconnue d’analyste économique, puissent sembler bien téméraires… Toutefois, j’ai cité les travaux de Richard Koo et pris la précaution de dire qu’il s’agit d’un économiste réputé et très expérimenté, et, précaution supplémentaire, un économiste que l’on ne peut suspecter de sympathie pour des thèses économiques anti capitalistes. Il essaie lui aussi d’éviter le pire à nos économies occidentales :

    How the West is Falling Into the Same Trap as Japan in the 1990s of Failing to Understand the Strangeness of a “Balance Sheet Recession”
    The world has witnessed an economic experiment since the global crash of 2008 and the ensuing Great Recession. China immediately provided a massive and sustained fiscal stimulus. The Western countries also initially provided a stimulus, but relatively quickly shifted to austerity and deficit reduction. The result: China is back booming, and the Western economies are struggling, with those cutting deeper faring worse.
    Le texte ci-dessus étant une introduction à la vidéo que j’ai déjà signalée:
    http://ineteconomics.org/richard-koo
    Voir la vidéo pour avoir les détails sur les analyses du Professeur Koo et les politiques réellement Keynésiennes qu’il propose.
    Politiques qu’on peut facilement rapprocher de celles proposées au président de la république américaine par Le CEO d’IBM, Sam Palmisano dès 2009 :
    Investir massivement dans l’intelligence en général, dans l’intelligence des transports, transports de personnes, de marchandises, d’énergie et d’information. Investir dans l’éducation et la santé, tous domaines fondamentaux permettant à l’économie de marché de fonctionner plus librement et plus efficacement dans le futur, tout en relançant l’économie réelle à court terme par la création d’emplois et de demande réelle dans les projets, sources de revenus et donc de demande finale.

    Rappelons que les institutions américaines politiques ou financières avaient essayé de maintenir le niveau de la demande finale en se lançant dans des politiques de taux d’intérêt très bas et de facilitation de l’obtention de crédit par des ménages à la solvabilité de moins en moins assurée…. Cette politique avait été entraînée par une baisse importante de la part du travail dans la valeur ajoutée aux USA (comme d’ailleurs dans tous les pays de l’OCDE : source statistiques OCDE), cela avait provoqué une baisse des revenus salariaux et une baisse de la demande des ménages qui a été compensée par l’utilisation massive de crédits.

    On lira à ce propos un livre très intéressant d’un auteur américain, chef d’entreprise dans les hautes technologies : Martin Ford : ‘’The Lights in the Tunnel’’, qui donne de nombreuses statistiques sur l’impact des technologies de l’information et de l’automation sur la part du travail dans la valeur ajoutée dans les économies nationales, spécialement aux USA. L’étude de Pierre Larrouturou ‘’Crise la solution interdite’’, cite aussi de nombreuses statistiques tirées de documents officiels de l’OCDE et va dans le même sens que le livre de Martin Ford. Ce dernier livre peut être téléchargé gratuitement, à la demande expresse de l’auteur vis-à-vis de l’éditeur :
    http://www.thelightsinthetunnel.com/
    La page citée donne un résumé qui sera utile aux lecteurs ne voulant pas passer plusieurs heures à se plonger dans ce livre passionnant mais assez technique

    Pour revenir au déficit public, s’il est vrai que le déficit public américain est trop important, le déficit des ménages américains lui, est catastrophique. A tel point que même à des taux de crédits très bas ils n’empruntent plus pour acheter. Les entreprises non plus d’ailleurs… d’où l’inefficacité de la politique de relance monétaire américaine.
    D’ailleurs dans quel domaine industriel et commercial investir de nos jours tout en espérant en retirer un bénéfice acceptable, compte tenu de la rapidité de l’évolution technologique et de la volatilité des équilibres géopolitiques ?

    Petite expérience mentale : Supposez qu’un très riche individu ou groupe d’individus vous fasse la proposition suivante :

    Je mets à votre disposition sans intérêt 100 millions d’Euros, avec seulement deux contraintes :
    1- que vous me remboursiez intégralement cette somme, dans 5 ans
    2- Que vous investissiez de telle manière à créer 1000 emplois au minimum en moyenne sur ces 5 ans.
    Sauriez vous relever le défit ?

    Pour ce qui est des services publics, je n’ai pas parlé d’une déconstruction, mais d’une dégradation probable à moyen terme, toujours mon métier de prévisionniste professionnel qui ressort… On a déjà quelques signes en voyant le peu d’enthousiasme vis-à-vis de certains concours d’entrée dans la fonction publique et même, phénomène quasiment inconnu il y a quelques années, des démissions d’enseignants de l’enseignement public face à la dégradation des conditions de travail et de rémunération dans certains domaines. De même dans certains hôpitaux publics. Mais d’autres signes existent au niveau de l’entretien des certaines infrastructures (je précise à nouveau qu’il ne s’agit pas seulement de la situation an France.)
    J’avais pu constater lors de mes longs séjours de travail aux USA en en Angleterre, les dégradations des services publics, entre autre au niveau des transports dans des pays où ces services étaient entièrement laissés à des gestions privées… Or c’est la direction dans laquelle vont les politiques de restriction des budgets publics .
    Je redis : oui, il y a des améliorations à faire sur ces services publics, dont certains pourraient gagner en efficacité et donc mieux servir les intérêts des populations et des économies dont ils doivent faciliter le fonctionnement.
    Par ailleurs je ne me pose pas en défenseur du corps des fonctionnaires, que je respecte pourtant, mais pour lesquels il serait peut-être possible d’améliorer la qualité des services, bien que celle-ci ait relativement récemment considérablement augmenté, en particulier dans les hôpitaux publics où le service est parfois supérieur à celui des cliniques privées, à la décharge desquelles on peut mettre aussi une baisse des moyens et des subvention ainsi qu’une gestion de plus en plus financière et de moins en moins holistique.
    J’inclus dans les services publics les services fournis non seulement par des fonctionnaires mais aussi les services sociaux d’intérêt général (SSIG Concept maintenant accepté par la Commission Européenne) souvent gérés par des associations sans but lucratifs dont une grande partie du travail est assurée par le bénévolat, mais qui fonctionne aussi avec l’aide de subventions publiques locales ou nationales.
    A propos des déficits budgétaires publics, je n’ai pas dit qu’il était uniquement imputable au sauvetage des grandes banques, que ce soit aux USA ou en Europe, ce que j’ai dit c’est que son accroissement dramatique entre 2008 et 2010 peut-être directement imputé à ce renflouement des grandes banques.
    En France il passe de 3% du PIB en 2008 à 7% en 2010
    http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=37
    Aux USA il passe de 3% du PIB en 2008 à 8% en 2010
    http://www.rtl.be/archive/info/economie/_monde/deficit-budgetaire-produit-interieur-brut-exercice.html

    Pour ce qui est des analyses de la crise financière de 2008-2010, on lira avec intérêt (sans jeu de mot) les deux livres écrits par deux américains, prix Nobels de l’économie : Georges Akerlof : ‘’Les esprits animaux’’ et Joseph Stiglitz : ‘’le Triomphe de la cupidité’’.
    Les deux prix Nobels ont eux aussi en vue dans leurs livres de sauver le capitalisme et l’économie de marché, tout comme Richard Koo cité précédemment…
    Cela contrairement à certains activistes qui jouent sur un effondrement global du système,
    Les auteurs cités ci-dessus ainsi que le document de la Commission Européenne cité précédemment ‘’Le coût de ne pas avoir de politique sociale’’ (références dans mon message précédent) cherchent au contraire à sauver le capitalisme et l’économie de marché en évitant les désastres qu’ils prévoient si les politiques économiques actuelles sont maintenues.

    Bien sincèrement.

    Paul Tréhin

    • Denis Chemillier-Gendreau / Mai 7 2011 9:14

      Cher Monsieur,
      Dans un commentaire récent sur mon blog, vous écriviez « Vous semblez oublier que la plus grosse partie de l’augmentation du déficit public dans tous ces états vient du sauvetages des grandes banques celles que les financier avaient surnomées « Too big to fail » ». Je vous avais répondu quelques jours plus tard ceci : « vous avez tort, évidemment : rien qu’en France, comme vous le savez, les financements accordés aux banques pour les aider à passer le cap de la crise ont été remboursés, et ont d’ailleurs au passage produit des intérêts, ce qui est normal ». Je me réjouis que le Monde d’hier vienne nous fournir à tous les deux une réponse quantifiée à cet échange. Le titre de l’article est en lui-meme évocateur : « Le plan de soutien français a rapporté 2,4 milliards d’euros à l’Etat » puis : « La France est le pays de l’Union Européenne dont le plan de soutien aux banques a rapporté le plus à l’Etat. […] En France, toutes les banques ont remboursé l’Etat. ». Je suis bien certain que, comme moi, vous vous réjouissez de cette information, le plaisir de voir ce beau mécanisme keynésien fonctionner dans l’intéret des banques comme des contribuables étant plus fort que la tristesse de voir que vous vous etes trompé.
      Bien cordialement
      DCG

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