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juillet 24, 2010 / Denis Chemillier-Gendreau

Désinformation économique…

Ceci n'est pas une pipe

La complexité du monde, particulièrement dans le domaine économique ou financier, permet à des journalistes peu scrupuleux ou des hommes politiques démagogues d’alimenter leur idéologie destructrice. Deux exemples récents intéressants viennent illustrer cela.

Le premier exemple, je le trouve dans le Canard Enchainé de cette semaine, qui titre « Madame BETTENCOURT est moins imposée qu’un cadre moyen ». Interpelé par ce constat étonnant, j’ai entrepris la lecture attentive de l’article. J’y découvre que Madame BETTENCOURT a structuré son patrimoine en intercalant entre elle et ses actifs une holding familiale. Le journaliste palmé nous explique que la participation dans L’OREAL est ainsi détenue par l’intermédiaire d’une société qui perçoit les dividendes versés par la multinationale. Et comme il existe en France un mécanisme de non double imposition (afin d’éviter que les dividendes, qui ont déjà été soumis à l’impôt sur les sociétés, ne le soient une seconde fois au niveau de la holding), la holding ne subit, sur les dividendes, qu’un prélèvement obligatoire de 9%. Ce qui permet au journaliste de conclure que Madame BETTENCOURT ne paie que 9% d’impôt sur ses dividendes. Le journaliste, sans doute parce qu’il est conscient de son erreur, cite la réaction de l’un des gestionnaires de la riche veuve : « le dividende ainsi soumis à l’impôt de 9% n’appartient pas à Madame BETTENCOURT mais à la holding » ; mais il balaie l’argument d’un rapide « … holding qui appartient à 100% à Mme BETTENCOURT ». Le lecteur inexpérimenté (imaginons, au choix, un instituteur de l’Aveyron ou un fonctionnaire du Maine et Loire) referme alors son journal en se disant sans doute que notre système fiscal est scandaleux, qui favorise ainsi Mme BETTENCOURT.

L’argumentation est évidemment totalement fausse et malhonnête. Car le dividende perçu par la holding appartient certes, indirectement, à Mme BETTENCOURT, mais il n’est pas « consommable » : Mme BETTENCOURT ne peut, avec ce dividende soumis à un prélèvement de 9%, s’acheter du caramel ou un sac Hermès. Pour que cet argent sorte de sa poche, il faut d’abord qu’il y rentre, et pour cela, il faut qu’il soit versé par la holding familiale sous forme de dividendes, qui seront alors soumis, dans les mains de Mme BETTENCOURT, à un prélèvement de l’ordre de 50%. Pour disposer du dividende de L’OREAL, Mme BETTENCOURT n’est donc pas imposée à 9%, comme le prétend l’article, mais à plus de 50%. Mais il est peu probable que le lecteur du Canard fasse lui même les calculs pour s’apercevoir de la supercherie. Ce journaliste est, purement et simplement, un menteur. Et il n’est pas le seul : un journaliste du Monde vient reprendre le même argument : « Un impôt de quelque 40 millions d’euros par an, certes, c’est une somme. Voyons donc à quoi elle se rapporte. La fortune de la dame est estimée par le magazine Challenge à 14 milliards d’euros [… soit] un revenu annuel de 700 millions d’euros. […] Ce qui étonne, ce n’est donc pas que la dame paie des impôts, c’est qu’elle en paie aussi peu. 40 millions, rapportés à revenu de 700 millions, cela fait un taux d’imposition de 5,7%. » Même incompréhension d’un journaliste qui s’amuse à mettre en ratio des quantités totalement hétérogènes, et ne comprendrait même pas la comptabilité d’un épicier…
Un second exemple nous est fourni, encore, par Mme BETTENCOURT, dont on nous dit à longueur de journée qu’elle a perçu du fisc un chèque de 30 millions d’euros au titre du bouclier fiscal. Là encore, notre instituteur de l’Aveyron ne manquera pas de trouver scandaleux que l’Etat fasse un tel cadeau à Mme BETTENCOURT. Mais la réalité est tout autre : ce chèque de 30 millions d’euros n’est pas un cadeau de l’Etat à la contribuable, mais la restitution d’une partie du chèque que, en sens inverse, Mme BETTENCOURT a fait à l’Etat. N’est-il pas scandaleux qu’aucun journaliste ne précise que sans ce bouclier, le taux d’imposition des plus riches contribuables atteindrait un niveau scandaleusement confiscatoire de 115 % pour les 10 plus gros, 130 % pour les 100 plus gros et 103 % pour les 1.000 plus gros ? Le mécanisme est certes maladroit, qui conduit le fisc à « restituer » au contribuable le montant qui dépasse une imposition de 50%, donnant ainsi l’impression d’un cadeau. Il serait plus intelligent que le contribuable applique lui même le plafonnement avant de payer son impôt… Ceci éviterait que des démagogues peu scrupuleux ne fassent croire au bon peuple que le gouvernement de Nicolas SARKOZY fait des chèques cadeau à certains contribuables. Car la réalité est que la France est en train de devenir le seul pays du monde à imposer la fortune, ce que même le gouvernement socialiste de ZAPATERO a supprimé en Espagne !

3 commentaires

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  1. Renaud Laffont / Juil 24 2010 10:37

    Totalement d accord avec vous. J’ai eu la même discussion récemment au sujet de Johnny Halliday, qui bien que fiscalement base en Suisse, génère l essentiel de ses revenus en France a travers ses sociétés (tournées, merchandising et ventes de disque). Sociétés qui paient charges et impôts sur les sociétés. La partie qui échappe a la fiscalité de par la localisation fiscale Suisse n’est donc qu’une partie des revenus de la machine « Johnny ».

    Parler des cheques verses au titre du bouclier fiscal a Mme Bettencourt sans parler des cheques versées par Mme Bettencourt au Fisc, c’est faire a moitié son travail de journaliste. La situation est préoccupante car mal informer les gens, c’est de la quasi manipulation.

  2. ROSE / Juil 22 2011 8:17

    Je ne suis pas instit, encore moins de l’Aveyron et je trouve très révélatrice cette illustration symbolique de l’ignorant de base devant un article « partial « ….Ce n »est pas dans la dentelle que vous situez, d’ailleurs aussi, un électorat de base de la droite . Et pour rester courtoise, je n’irai pas jusqu’à dire que c’est digne d’une dérive à la Marine…, mais cela situe certainement le reste de l’argumentaire. Dommage, si vous étiez resté dans le factuel, votre argumentaire en aurait certainement retiré quelques crédits.

    • Denis Chemillier-Gendreau / Sep 8 2011 5:50

      Madame. Je vous remercie très sincèrement de votre commentaire. Il m’a amené à relire mon écrit. Je ne vois rien d’insultant dans le fait de considérer qu’un instituteur de l’Aveyron n’est pas expérimenté en matière de fiscalité des holding. Ne pas maîtriser les subtilités du Code Général des Impôts ne fait pas un « ignorant de base ». Le lien avec Marine LE PEN m’a échappé. Bien cordialement

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