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juillet 7, 2010 / Denis Chemillier-Gendreau

Retraite : le bon exemple marocain

Fascinant Maroc

Fascinant Maroc

Le constat des retraites en France

La France tourne autour de la réforme des retraites depuis plus de 20 ans, lorsque Denis KESSLER et ses acolytes ont lancé le pavé dans la marre par un numéro spécial de la revue de l’INSEE en osant prévoir – quelle audace ! – que l’allongement de l’espérance de vie allait fragiliser l’équilibre des régimes de retraite par répartition. Après que l’auteur ait été cloué au pilori puis brulé en place de Grève (sic), la France s’aperçoit que ce qu’il disait n’était pas faux : promettre à une personne de lui verser 1.000 € par mois pendant 10 ans ou lui promettre cela pendant 20 ans ne coutent pas la même chose… Le constat semble aujourd’hui acquis, y compris par la grande masse. Seuls résistent encore quelques irréductibles, qui militent aussi pour que le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu soit passé à 100% et pour la renationalisation des banques et des compagnies d’assurance ; ceux-là ont en tête un monde que l’on connait bien et les Français savent se prémunir contre ces idéologies.

Mais pour autant, la réforme piétine. Les pistes actuelles, pour raisonnables qu’elles soient, restent en deçà du grand élan dont la France a besoin. Il faut oser dire à toute une génération (nos retraités d’aujourd’hui) que la France s’est collectivement trompée en leur faisant des promesses irréalistes. Leur expliquer que ces promesses ont été faite à une époque où la répartition, en phase de lancement, accumulait les cotisations sans prestation et se sentait riche … faute d’avoir calculé et provisionné ses engagements futurs.

Mais comment faire avancer cette réforme en maintenant un consensus minimal ?

Les retraites au Maroc

Le Maroc offre un modèle intéressant. Tournant lui aussi autour de la réforme pendant des années, soumis à peu près aux mêmes problèmes que la France – et pour cause – le gouvernement du Royaume a fini par mettre en place une Commission Nationale chargée d’examiner et de résoudre la problématique. Cette Commission regroupe toutes les parties prenantes : syndicats, patronat, caisses de retraite, ministères, etc. Elle est constituée en deux niveaux : un niveau « politique », chargé in fine de décider, et un niveau « technique », chargé d’instruire le dossier, de comprendre, de proposer et d’évaluer les différentes solutions.

ACTUARIA et le consensus des parties prenantes

Pendant 2 années, j’ai eu, au nom d’ACTUARIA, le privilège d’accompagner les travaux de cette Commission, et j’ai mesuré l’efficacité de la méthode. Certes, les nombreuses réunions ont été souvent laborieuses, houleuses parfois, et il y eu des mini-drames. Mais, même dans la douleur, ce dialogue permanent a fini par accoucher d’un certain consensus. Rétroactivement, je mesure la raison du succès de cette démarche.

Le Maroc a su fonder le dialogue sur une approche technique, afin de laisser peu de place aux grands discours idéologiques qui ne seraient pas compatibles avec la réalité des faits. Ainsi, lorsque dans une même séance, le patronat refusait la hausse des cotisations et les syndicats refusaient la baisse des prestations, nous pouvions montrer aux uns et aux autres que cette double position entrainait une explosion du déficit qui mettait à genou l’économie du pays. La modélisation complète du système de retraite marocain, que nous avons mis sur la table, a servi de fil d’Ariane aux discussions et a empêché le rêve idéologique d’envahir les débats.

La France, elle aussi, a bien besoin d’introduire un peu de « rigueur actuarielle » dans son débat sur les retraites : dans un sondage récent, les Français confirmaient qu’ils voulaient une réforme des retraites, mais avouaient ne vouloir ni d’une hausse des cotisations ni d’une baisse des prestations. Il est probable qu’ils auront les deux…

2 commentaires

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  1. Guillaume GILKES / Sep 10 2010 4:21

    Un consensus minimal est en train de se dessiner au Maroc sur les réformes paramétriques, et même sur certaines réformes structurelles. Cela a nécessité un travail pédagogique et une concertation longue impliquant les partenaires sociaux dès le début et sur chacun des thèmes du débat en ateliers techniques. Une méthodologie gagnante? Est-ce possible en France?

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