Les Français se piquent de MOOCs. Depuis le lancement, en janvier, de la plateforme France université numérique (FUN), ils sont 226 000 à s'être inscrits à l'un des trente MOOCs (Massive Open Online Courses, ou cours en lignes ouverts et massifs). Contre toute attente, le grand gagnant de cette nouvelle forme d'apprentissage est le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
Avec ses cinq premiers MOOCs, le numéro un de l'enseignement à distance et de la formation continue a déjà séduit près de 56 000 personnes, d'après des données que s'est procurées Le Monde.
Celui baptisé « Du manager au leader » a même fait un carton. Des étudiants, des professions libérales, des cadres mais aussi un prêtre, un pilote de ligne, des retraités, répartis sur les cinq continents, l'ont suivi. Des profils parfois bien éloignés de la cible initiale, des managers en fonction qui ont besoin de progresser dans leurs pratiques ou des gens qui entament une expérience d'encadrement.
En l'espace de six semaines, plus de 36 000 personnes – dont 10 % d'Africains – se sont inscrits au MOOCs « Du manager du leader », une vingtaine de modules vidéo de 10 à 20 minutes. Parmi ces « élèves », une très grande majorité d'hommes (60 %). Cécile Dejoux, maître de conférences au CNAM – responsable opérationnel du master ressources humaines –, qui a dirigé ce cours, en est encore tout épatée. « Ni le CNAM, ni moi-même n'avions visé de tels chiffres. Il y a eu un vrai bouche à oreille », reconnaît-elle.
« RACONTER DES HISTOIRES »
Au total, 20% des inscrits sont allés jusqu'au bout du cours. Le chiffre peut paraître faible. Il ne l'est pas. L'une des caractériques des MOOCs aujourd'hui est justement le très fort taux d'abandon en cours de route. Selon une étude du MIT et de Harvard, seuls 5 % des inscrits valident ainsi la formation, 9 % vont plus loin que la moitié des cours, et un tiers des étudiants n'en a visionné aucun.
Pour Cécile Dejoux, une des raisons du succès de son MOOCs tient au fait « qu'il n'est pas une pâle copie d'un cours existant et que son thème est original ». Pour autant, ce n'est pas suffisant. L'idée de faire venir des entreprises et des experts, d'utiliser des schémas, de contribuer à animer le cours, qui aurait vite pu devenir ennuyeux s'il n'avait pas proposé de contenus variés. « C'est un point important, il faut raconter des histoires, être à la fois théorique et pratique, être multi-outils : vidéo, liens internet, donner des quiz...»
Une fois la séance terminée, le cours s'est prolongé. A la fin de chaque séance, les étudiants ont pu s'exprimer sur un forum animé par un gestionnaire de communauté. Et, chaque semaine, Cécile Dejoux s'est pliée à l'exercice du « hangout » : entendez un « chat vidéo ». Pendant près d'une demi-heure, huit personnes posent des questions, la vidéo est ensuite diffusée sur Youtube. Au fil des semaines, toute une communauté s'est constituée autour des réseaux sociaux : un fil twitter @MOOClead, une page Facebook, un groupe sur LinkedIn où ils partagent leurs pratiques. Ce qui fait dire à Cécile Dejoux que « 50% de la réussite de ce cours, c'est la plateforme, 50% ce sont les réseaux sociaux ».
Chaque module s'est conclu par un « quiz » noté. Un questionnaire final donne lieu à la délivrance d'un certificat de réussite. « J'avais une interrogation par rapport à une formation sous forme de vidéo. En fait, cela ne m'a pas du tout gêné, et j'ai même été surpris par mon engouement », déclare Antoine. Seul bémol à la clé pour ce salarié dans un établissement public qui n'a pas souhaité être cité : les questionnaires de fin de cours jugés un peu trop « légers et scolaires ».
FORMATION « TÉLÉ-RÉALITÉ »
A l'heure où chaque mot du professeur peut être désormais vérifié en temps réel, où les étudiants surfent sur Internet lorsqu'ils décrochent... « Il faut repenser la valeur ajoutée du professeur, qui n'est plus un canal de diffusion, souligne Cécile Dejoux. Lorsque vous avez fait un MOOCs, vous ne faîtes plus jamais un cours devant un auditoire comme avant. C'est une vraie aventure pédagogique.»
Expérience passionnante certes, mais aussi éprouvante parfois. Cécile Dejoux a pu ainsi compter sur la direction des Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement (TICE) pour parfois « lui remonter le moral ». « Quand vous avez potentiellement 30 000 personnes qui peuvent réagir sans filtre, c'est de la formation télé-réalité !», lance-t-elle. Elle raconte une anecdote : « Je m'étais trompée sur un mot dans une diapositive ; j'avais écrit “sérenpidité” au lieu de “sérendipité”. Ni une, ni deux, l'erreur a été immédiatement relevée ». Ses élèves ont d'ailleurs créé une rubrique « coquilles ».
Fort de ce succès, le CNAM réfléchit déjà à l'après. Grâce à un questionnaire auquel plus de 12 000 personnes ont répondu, l'organisme possède potentiellement une mine d'informations. Elle a ainsi interrogées sur la valorisation de cette formation auprès de l'employeur ou encore sur l'acceptation de payer pour obtenir un diplôme.
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