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Invention(s) de la syphilis

[article]

Année 1996 94 pp. 89-109
Fait partie d'un numéro thématique : Nosographie et décadence
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Jean-Louis CABANES

Invention(s) de la syphilis

Pour analyser les représentations littéraires de la syphilis, il faut tenir compte d'une scientia sexualis dont la médecine est une des parties constituantes. « La volonté de savoir » ' se manifeste aussi bien dans les traités consacrés aux aberrations du sens génésique, à la clinique des perversions, que dans la description des maladies vénériennes. Alfred Fournier est le contemporain de Krafft-Ebing dont on traduit, en 1895, la huitième édition de la Psychopathia sexualis. A ce relevé des secrets du corps correspondent hygiénisme et eugénisme. Michel Foucault signale à juste titre l'émergence, au XIXe siècle, d'un « projet médical mais aussi politique d'organiser une gestion étatique des mariages, des naissances et des survies » 2. Ce projet s'impose tout particulièrement lorsque, dans l'histoire culturelle des maladies, la description clinique du mal vénérien se parachève par l'évocation des dégénérescences. Parler du sexe et de sa pathologie n'est-ce pas, dans un même élan, discourir sur le sang vicié? Ne faut-il point, pour garantir au mieux la transmission des héritages génétiques et des biens familiaux, éviter que les « avariés » contaminent les épousées? Confusion détestable, voici que la normalité sociale se conçoit en termes de norme biologique, tandis que, sous l'effet d'une propagande médicale insistante, la hantise de la syphilis va croissant. Alain Corbin a retracé les étapes de cette montée des périls qui, à la fin du XIXe siècle et au commencement du XXe, se concrétise par la constitution d'un mythe de « l'hérédo » et par « l'émergence de la notion de parasyphilis » 3. Elle étend indéfiniment les conséquences de la contamination vénérienne. En 1891, l'ouvrage d'Alfred Fournier, L'Hérédité syphilitique, prend le relais des traités que Lucas, Morel ou Moreau de Tours avaient consacrés, au milieu du siècle, à l'hérédité morbide. Dans un vocabulaire imprécis et imagé, Alfred Fournier cherche à définir le « vice organique », « la erase humorale » 4, transmis par l'hérédité, et à systématiser les ravages du mal vénérien. Le « don fatal » a changé de nature mais l'idée d'un legs maudit perdure : le péché originel se laïcise en termes biologiques. Au commencement du Second Empire, la dégénérescence s'incarnait essentiellement dans les désordres nerveux ou dans la scrofule - les nerfs jouant le rôle d'une archive biologique et d'un agent transmetteur -, c'est désormais la syphilis qui figure un mal essentiel et protéiforme.

Des Lettres sur la syphilis de Ricord, aux derniers travaux d'Alfred Fournier, la scène morbide s'est donc métamorphosée. Ricord, loin de dramatiser le mal vénérien, croyait que les plaques muqueuses n'étaient pas contagieuses. Son œuvre clinique n'était pas centrée sur l'hérédité. En revanche, les syphiligraphes, sous la Troisième République, imposent une conception particulièrement noire de la syphilis. Elle

1. Voir Michel Foucault, La Volonté de savoir, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1976.

2. La Volonté de savoir, éd. cit., p. 156.

3. Alain Corbin, « L'Hérédosyphilis », Romantisme, n° 31, 1981.

4. Cité par Alain Corbin dans « L'Hérédosyphilis », p. 140.

ROMANTISME n° 94 (1996-4)

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