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Nuit debout face aux risques de débordements

La 12e Nuit debout s’est tenue lundi soir à Paris, au centre d’un dispositif policier resserré, après les violences qui ont éclaté en marge du rassemblement de samedi.

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Publié le 12 avril 2016 à 01h25, modifié le 29 avril 2016 à 16h48

Temps de Lecture 5 min.

Une agence de la Société générale, près de la place de la République à Paris, le 8 avril.

La première chose qui frappe, en arrivant lundi 11 avril au soir place de la République, à Paris, c’est l’intensité du dispositif policier. Alors que les manifestants sont encore peu nombreux et tentent péniblement d’installer quelques bâches dans le vent et la pluie, une quinzaine de fourgons de gendarmes mobiles et de CRS se gare progressivement tout autour de la place piétonne. « Ils arrivent de partout… », commente un jeune homme tenant un morceau de corde, la mine inquiète.

Contactée par Le Monde, la police affirme qu’aucun dispositif spécial n’a été mis en place pour ce rassemblement. Un gendarme mobile interrogé sur place confirme : « On s’est garés autour de la place, mais on n’est pas plus nombreux que d’ordinaire », c’est-à-dire lorsque les fourgons sont dans les rues adjacentes. Pour les manifestants, difficile pourtant de ne pas imaginer que les forces de l’ordre cherchent à « leur faire peur », à leur « mettre la pression », surtout après l’écho que les débordements autour de « l’apéro chez Valls » samedi soir ont trouvé dans la classe politique.

Rassemblement sous pression

L’autorisation de la préfecture ayant été délivrée à la condition de ne pas remonter les structures détruites le matin même, les forces de l’ordre s’approchent dès que le moindre coin de bâche commence à s’élever. Le long d’une tente rouge, un CRS serré de près par des dizaines de manifestants demande à parler au « responsable ». « Il n’y a pas de responsable ! », répond la foule. « La hiérarchie, c’est à vous ! Nous, on ne fonctionne pas comme ça. » Plusieurs fois dans la soirée, les manifestants s’assembleront autour du point litigieux, en chantant « Tout le monde déteste la police », en criant « Rendez-nous la sono ! » lorsque les CRS empêcheront le déchargement d’un fourgon de matériel.

Que la « pression » soit volontaire ou non, elle est bien présente, et chacun le sent. « On a jamais vu ça depuis le début de l’occupation », commente un organisateur. Une ambiance différente, y compris parce que le village de tentes n’est plus là, qui abritait la « radio et TV debout », le « jardin debout », la « bibliothèque debout » et toutes les « commissions ». « Hier c’était beau, il y avait des livres, des fleurs, des stands partout. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on a rêvé, tout a disparu », fait remarquer une jeune fille.

Discours ou action ? A Nuit debout, tout se discute

Comment Nuit debout peut-elle gérer les débordements, et donc l’image du mouvement, elle qui n’a pas de chef et qui discute toujours de tout ? Un « pôle sérénité » s’occupe de ce qu’on préfère appeler la « médiation » que le « service d’ordre ». Le problème, c’est que tout le monde n’est pas d’accord sur ce qu’il faut considérer, ou non, comme un débordement. Discours ou action ? Débat ou opération concrète ? Les deux tendances existent, et chaque organisateur parle en son nom propre, refusant de dégager une opinion de groupe.

Il n’y a qu’à voir les différentes approches des événements de samedi soir. Rien à voir avec le mouvement, nous explique un membre de Nuit debout. « Il y a une vraie volonté pacifiste à la Nuit debout, et on ne va pas se laisser saccager par quelques mecs ingérables. » Partout, ce soir là, on confirmera que l’assemblée a « hué le récit des évènements de samedi soir ». Nombre des participants considèrent que Nuit debout s’est clairement désolidarisée des débordements.

Mais ce n’est pas tout à fait l’avis de Romain, membre du pôle sérénité. « On ne peut pas dire que l’envie de passer à l’action ne fait pas partie de Nuit debout, puisque par définition, tout est ouvert, explique-t-il. Les lycéens et les étudiants qui subissent les violences policières sont prêts à en découdre. On ne peut pas nier un contexte de rapport de force. » Au cours de cette conversation, les allées et venues de la foule se frottant aux gendarmes mobiles à l’angle de la place seront là pour nous le rappeler.

Place de la République, à Paris, le 11 avril au soir.

« Nous, notre rôle, c’est de faire de la médiation, pas de dire aux gens ce qu’ils devraient faire ou non », poursuit Romain. Reste que, du point de vue administratif, Nuit debout répond de l’événement qu’elle organise, donc de ses débordements. « On n’est pas responsables de quelques centaines de mecs qui ont bu un samedi soir, qui sont allés tout casser et qu’on n’a jamais revu », tranche Camille [le prénom a été modifié]. Un débordement « sur la rue », répètent les organisateurs, et non sur l’espace déclaré de l’événement, la place de la République.

La longue tradition de détestation des « flics »

Désormais, le service d’ordre de Nuit debout compte une centaine de personnes « fiables », selon Camille. Matthieu [le prénom a été modifié], chargé de « faire le lien » avec les forces de police, évoque plutôt une quinzaine de personnes par soir, qui « tournent » pour éviter que les bénévoles s’épuisent. « Les gens fatigués dérapent vite, et notre rôle, c’est de désamorcer toutes les provocations. » Pourquoi ne sont-ils pas plus nombreux ? « Ce n’est pas facile à trouver », explique Camille dans un sourire. Car la sécurité n’est pas une tâche facile. « Trouver des mecs calmes, patients, qui ne vont pas s’exciter sur les gens, ça prend du temps. » Le temps de vérifier qu’ils ne sont pas non plus des « types d’extrême droite qui essaient de s’infiltrer »… « ou des flics ».

Les « flics », toujours eux, accusés hier de casser les grèves et aujourd’hui de frapper les lycéens. La longue tradition de détestation des « flics » est partout, ce soir, alors qu’on scande facilement à la barbe des CRS « Police partout, justice nulle part ! », ou encore « Etes-vous fiers des violences policières ? » Un couple de sexagénaires s’arrête devant une rangée de CRS qui bloquent un passage piéton : « Tiens, regarde-les ! », dit la dame. « Tu te rappelles ? Ce sont toujours les mêmes, de toute façon. »

Certains essaient de combattre ce rejet systématique. La police n’est-elle pas un service public qui lui aussi souffre de l’austérité, de l’état d’urgence, de tout ce système que Nuit debout veut questionner ? A plusieurs reprises depuis dix jours, ce point a été soulevé dans les assemblées générales, déclenchant souvent des dizaines de bras levés en croix : « opposition radicale ».

« Pour certaines mouvances présentes ici, les policiers sont l’ennemi », assure Matthieu. « Cela dépend de l’histoire militante de chacun. Personnellement je pense que la police est un service public et qu’il doit être défendu comme tous les autres. » Mais certains participants ne sont pas du tout prêts à l’entendre. « On va essayer de faire le lien avec la police », explique-t-il, « en discutant avec leurs syndicats ». Prudent, il précise tout de même que « cela n’a pas été voté en AG ».

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