Le moratoire de cinq ans sur le gaz de schiste risque fort de ne jamais voir le jour. L'opposition libérale et caquiste ne semble pas vouloir adopter le projet de loi déposé mercredi par le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet.

Il y propose d'interdire «les forages», les «opérations de fracturation» et les «essais d'injectivité» pour explorer ou exploiter le gaz de schiste. Les permis en vigueur seraient suspendus, sans indemnités. Ce moratoire ne s'appliquerait pas au pétrole de schiste. Il se limiterait aussi aux basses terres du Saint-Laurent. M. Blanchet se garde dans le projet de loi la possibilité d'étendre ce moratoire à l'ensemble du Québec, en adoptant un simple règlement sans faire un vote.

Le moratoire serait «effectif jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi établissant de nouvelles règles pour la recherche et l'exploitation des hydrocarbures». Si une telle loi n'est pas adoptée, il durerait cinq ans. Ce projet de loi devrait être déposé l'automne prochain par sa collègue ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, prévoit-on.

Mais le projet de loi a du plomb dans l'aile. Le chef libéral Philippe Couillard promet d'en discuter en caucus avant de prendre officiellement position. Il a toutefois annoncé ses couleurs. «La gestion par moratoire, ce n'est pas une bonne façon de gérer le développement et l'économie du Québec», a-t-il lancé. Un moratoire est aussi difficile à annuler, a-t-il ajouté.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, accuse le gouvernement péquiste de «dogmatisme». «Ce que fait le PQ aujourd'hui, c'est de dire: on va faire un moratoire de cinq ans, peu importe les études. Ils s'attaquent des fois au Parti conservateur en disant qu'ils sont idéologiques, qu'ils ne respectent pas la science, mais c'est exactement ce qu'ils font aujourd'hui.»

«Ce qu'on veut, c'est que le projet de loi dise clairement qu'il y a un moratoire jusqu'à ce qu'il y ait des études qui démontrent qu'il n'y a pas de dommages possibles pour l'environnement. C'est le gros bon sens», a-t-il poursuivi.

Pourtant, en février 2012, la CAQ votait en faveur d'une motion qui exigeait «un moratoire sur l'exploration, l'exploitation et la fracturation hydraulique [...] jusqu'à l'adoption d'une loi-cadre sur les hydrocarbures».

Cet hiver, le ministre Blanchet a commandé un BAPE générique sur le gaz de schiste. L'étude environnementale stratégique (ÉES), qui avait été lancée sous le gouvernement libéral a donc été transférée au BAPE (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement). Les études seront donc suivies d'une consultation publique.

Mais pourquoi limiter le moratoire aux basses terres du Saint-Laurent? Le ministre Blanchet explique que c'est surtout dans cette région peuplée que se posait le problème de l'acceptabilité sociale. «Nous avons réagi à une situation précise et à un engagement précis», résume-t-il. L'île d'Anticosti n'est «pas densément peuplée», et n'est donc «pas confrontée aux mêmes enjeux d'acceptabilité sociale». Et une consultation environnementale devra de toute façon s'y tenir avant d'exploiter la ressource, assure-t-il.

«Ce n'est pas parce qu'il y a surtout des chevreuils à Anticosti et qu'ils ne peuvent pas voter qu'on n'a pas besoin de moratoire, a répliqué Amir Khadir. (...) On doit protéger l'environnement, pas seulement les électeurs.»

Pas de poursuite, dit l'industrie

Si un moratoire devait être adopté, l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) n'envisage pas intenter de poursuites. «Ce n'est pas exclu, mais ce n'est pas du tout ce qui est discuté en ce moment. Nous avons toujours dit que nous voulions collaborer avec le gouvernement, on continue d'avoir cette approche», indique Lidnsay Jacques Dubé de l'APGQ.

«On n'est pas entièrement déçu par le projet de loi, ajoute-t-elle. Ce n'est pas un revers complet, car il s'appliquerait seulement aux basses terres.»