La "sinistrose" n'est pas dans les gènes de l'Amérique. Pourtant, les Etats-Unis commencent peu à peu à se faire à l'idée que leur économie va mal. Outre-Atlantique, "on commence à assumer une certaine forme de morosité", observe Gregori Volokhine, analyste au sein de la société de gestion Meeschaert à New York.
Ce coup de blues s'est traduit par la rechute des places boursières à New York, où l'indice Dow Jones a reculé de 2,94 % entre le lundi 21 et le vendredi 25 juin, mais aussi par ricochet un peu partout dans le monde. En Europe, la Bourse de Paris a ainsi cédé 4,54 % sur la période, Londres 3,89 % et Francfort 2,35 %.
De fait, il est acquis et accepté depuis longtemps par le marché que l'économie en Europe n'est pas brillante, que sa croissance, déjà molle avant la crise, resterait anémique pendant de longs mois, voire de longues années. Mais jusqu'ici les investisseurs pensaient que les Etats-Unis s'en sortiraient mieux. En avril, n'avaient-ils pas appris que la croissance américaine progressait à un rythme accéléré de 3,3 % ?
Mais les statistiques se sont trompées. A deux reprises, les chiffres de la croissance américaine ont été revus à la baisse, d'abord fin mai à 3 %, puis à 2,7 %, vendredi 25 juin. De quoi saper le moral des investisseurs.
La déception a été d'autant plus grande que ce chiffre est venu s'ajouter à une série d'indicateurs peu amènes sur deux préoccupations centrales : l'immobilier et l'emploi.
Mardi, l'Association nationale des agents immobiliers (NAR) a fait état de reventes de logements aux Etats-Unis en baisse de 2,2 % en mai. Certains analystes n'ont alors pas hésité à parler de nouvelle "descente aux enfers".
Le lendemain, le comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) a, lui, évoqué le maintien d'un "chômage élevé" ainsi qu'une "croissance modeste des revenus", de la "baisse de la valeur du patrimoine immobilier" et de la difficulté à obtenir des crédits....
Bref, en dépit des plans de relance colossaux, la reprise américaine patine. Et elle ne peut espérer de soutien du côté de l'Europe. Là-bas, la préoccupation numéro un concerne l'ampleur des déficits publics et la manière de les résorber. Autrement dit, il est question de politique d'austérité et non de relance.
Sur les marchés, les valeurs liées à la consommation et à la conjoncture ont donc rechuté. Si le deuxième trimestre sera sans doute correct, l'incertitude sur l'ampleur du ralentissement aux Etats-Unis "sème la panique pour le second semestre", indique Franklin Pichard, directeur de Barclays Bourse. Les craintes ressurgissent sur les marchés et ce dernier s'attend ainsi à voir les indices boursiers évoluer sur une courbe de "taule ondulée". Autrement dit le calme est loin d'être revenu.
Dans ce contexte un peu déprimant, les investisseurs ont toutefois su déceler une bonne nouvelle : Barack Obama, pensent-ils, va maintenant cesser de "taper sur les banques". Pourquoi ? Parce que la réforme historique voulue par le président américain est maintenant sur les rails.
Après vingt heures de débats, les élus du Congrès ont trouvé un accord sur un texte de compromis. Le projet de loi doit être approuvé une dernière fois mardi 29 juin au Sénat et à la Chambre des représentants, avant d'être promulguée.
Mais, si la réforme est radicale, bridant les activités spéculatives des banques, elle intègre un grand nombre d'exemptions et de nuances. "Le texte fait 2 000 pages, cela va prendre des mois et peut-être des années avant d'être mis en place", relativise M. Volokhine. En outre, poursuit-il, les "banquiers ne sont pas idiots ; ils trouveront un moyen de contourner les règles".
Semblant attester l'impuissance du monde politique à casser les banques et à brider leurs profits, les valeurs du secteur ont rebondi vendredi, à Wall Street. Parmi elles, Citigroup, qui affichait un gain de près de 3 % en cours de séance.
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