Alors que Québec solidaire s'apprête à revenir à la charge avec une nouvelle motion sur les paradis fiscaux, les chefs des trois principaux partis à l'Assemblée nationale ont assuré mercredi qu'ils ne détenaient aucun actif à l'abri des regards du fisc.

Le chef libéral Philippe Couillard, qui a travaillé comme neurochirurgien en Arabie saoudite dans les années 1990, a affirmé en point de presse qu'il n'avait aucun investissement ou compte bancaire à l'étranger.

«Quand je suis rentré, il n'y a rien qui est resté «'offshore', je n'ai rien, a-t-il dit. Mais non seulement je n'ai rien, mais ma conjointe n'a rien non plus et je vous engagerais à ne jamais oublier ça parce que c'est un couple en général qui fait ce genre de décision.»

Mardi, le député de Québec solidaire Amir Khadir avait évoqué la situation de M. Couillard, sans le nommer, alors qu'il déplorait le refus des trois autres partis d'appuyer sa motion proposant qu'ils s'engagent à démettre tout député ou ministre qui aurait un compte dans une banque établie dans un paradis fiscal.

À cette occasion, M. Khadir et sa collègue députée François David ont ajouté qu'ils proposeront un resserrement des informations que les députés sont obligés de donner au commissaire à l'éthique, pour inclure les actifs qu'ils détiendraient dans des paradis fiscaux.

Le commissaire à l'éthique et à la déontologie Jacques Saint-Laurent a cependant affirmé mercredi qu'il a déjà le pouvoir de demander aux ministres dans quelles institutions financières ils détiennent des comptes en banque, placements, ou titre en bourse, que ceux-ci soient ici ou à l'étranger.

Dans le cas où il découvrirait qu'un ministre détient un compte dans un paradis fiscal, il devra décider si cela enfreint les valeurs de l'Assemblée nationale car le code déontologique ne se prononce pas sur l'évitement fiscal.

«Il n'y a pas d'interdiction en soi, il faut que je le regarde en fonction d'un contexte bien précis, a-t-il dit en entrevue. Chose certaine, je peux assurer que je vais faire la vérification et m'assurer, si un actif semble être dans un abri fiscal, que les règles du code et plus spécialement les valeurs sont respectées.»

Suivant son interprétation, il décidera s'il recommande à l'Assemblée nationale d'agir dans un cas spécifique, soit par une réprimande ou autre.

À la différence des ministres, les députés n'ont qu'à déclarer d'où ils tirent leurs revenus, que ce soit de placements ou autres, a indiqué le commissaire.

Lors d'un point de presse suivant une réunion de ses députés, M. Couillard, qui n'est pas député, a expliqué qu'il souhaitait volontairement déclarer ses intérêts au commissaire.

«J'ai l'intention de déposer une déclaration d'intérêts complète et je vais même voir avec le commissaire si on ne peut pas explicitement indiquer l'absence de tout actif financier ou autre à l'étranger», a-t-il dit.

Ces questions ont été soulevées par QS dans la foulée de la controverse qui a mené à la démission d'un ministre français, Jérôme Cahuzac, titulaire du Budget, qui a admis avoir un compte bancaire en Suisse après avoir initialement nié.

Avant la période des questions, la première ministre Pauline Marois a assuré que ni elle ni aucun membre du conseil des ministres ne détenaient d'investissements dans des juridictions de complaisance.

«Non», a-t-elle laissé tomber en réponse à un journaliste, avant d'aller rejoindre ses députés.

Par la suite, son cabinet a indiqué que cela s'appliquait à son mari, Claude Blanchet, qui a déjà été la cible des libéraux.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a affirmé que jamais il n'a eu de placements financiers à l'extérieur du Québec.

M. Legault, qui a ajouté que ses députés étaient dans la même situation, a déclaré que les élus devraient être tenus de divulguer leurs actifs et leur localisation.

«Ça devrait peut-être faire partie de la liste des informations qui sont demandées par le commissaire à l'éthique», a-t-il dit.

Le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, a quant à lui jugé qu'il serait absurde de demander à un député dévoiler s'il fraude l'impôt.

«Quelqu'un qui fait de l'évasion fiscale, il ne le dira pas plus au commissaire à l'éthique qu'à quiconque, donc il ne faut pas tomber dans l'absurde», a-t-il dit en point de presse.

Selon M. Bédard, les règles imposées actuellement à tous les députés sont suffisantes et il a accusé M. Khadir de vouloir récupérer une situation, en France, qui n'a rien à voir avec celle du Québec.

«Ils doivent déclarer tous leurs avoirs et le commissaire à l'éthique a ces informations, a-t-il dit. Le problème en France, c'est que le ministre a menti, mais aussi qu'il n'y a pas l'obligation de dévoiler.»

QS reviendra à la charge, jeudi, avec une motion proposant notamment que «tous les députés de l'Assemblée nationale s'engagent solennellement à ne pas placer leurs avoirs à l'abri de l'impôt dans des paradis fiscaux ou des juridictions de complaisance».

Par ailleurs, le gouvernement québécois est prêt à recourir aux tribunaux pour forcer les médias à lui remettre les noms de contribuables qui évitent de payer de l'impôt en investissant leur argent dans des paradis fiscaux.

En Chambre, mercredi, Mme Marois a affirmé qu'elle appuyait «sans réserve» la démarche du gouvernement fédéral, qui souhaite obtenir ces informations détenues par Radio-Canada, qui fait partie d'un consortium journalistique international ayant obtenu ces renseignements concernant des contribuables de plusieurs pays.

La ministre du Revenu national, Gail Shea, a affirmé qu'après s'être heurtée au refus de la société d'État, qui invoque la protection des sources, elle allait opter pour la voie judiciaire.

Mme Marois a expliqué que l'État a le devoir de s'assurer que tous les citoyens paient leur part d'impôt.

«Pour l'instant, ce qu'on constate, c'est qu'il y a un refus de nous donner accès à ces listes de noms, ce qui ne nous empêchera pas d'utiliser tous les moyens légaux à notre disposition pour être capables d'arriver à avoir ces informations», a-t-elle dit.