Question d'origine :
Bonjour,
je me demandais, pourquoi les habitants de Lyon au Ve, à la Chute de l'Empire romain se replient rive droite de la Saône, sachant que c'est un terrain hostile en proie aux crues ?
Réponse du Guichet
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- Département : Documentation régionale
Le 19/11/2013 à 14h50
Le départ des gens de la colline n’entraîne pas la mort de la ville. Privée de son titre de capitale, elle retrouve son destin premier : ville de fleuves, nœud de routes, lieu de passage. Les voies qui y convergent gardent leur fonction nationale et le trafic fluvial se perpétue. Aussi, des petites gens de la ville haute sont-ils descendus dans les quartiers riverains qu’alimentent les nappes souterraines d’où jaillissent assez de fontaines pour les abreuver. (…)
Comme celui de la ville haute qui la désignait, le nom de Lugdunum est en voie de désagrégation. Il va reparaître, au détour de l’histoire, sous la forme de Lyon qui est celui de la ville basse. Ce changement d’identité s’accompagne d’une autre mutation. Cette ville nouvelle se place sous le signe du Christ et de ses saints.
Le Ve siècle voit en effet le rayonnement du christianisme dans les villes, sinon dans les campagnes où les pagans, les pagani perpétuent ce que l’on qualifie de paganisme. A Lyon, le siècle est marqué par l’érection, au centre de la ville basse, à l’abri de l’enceinte riveraine, de l’ecclesia, la cathédrale placée sous le vocable de Saint-Etienne, le premier martyr. Elle va devenir l’âme de la nouvelle cité. (…)
In : Une ville / par Amable Audin, Bruno Faucon, François Leyge, éd. 1987, chapitre V Les Temps obscurs
On peut lire encore dans cet autre ouvrage d’Amable Audin : Gens de Lugdunum, chapitre XXIII, Une ville change de visage :
(…) L’acropole de Fourvière abandonnée, Lyon devint la ville d’en bas. Là, elle va retrouver sa raison de vivre, celle qu’avait assumée jadis le vieux Condate, lequel tenait son nom celtique de sa fonction géographique au confluent. Sur les rivages fluviaux, Lyon va se découvrir, sinon une nouvelle jeunesse, du moins une longévité honorable.
Nous avons consulté également cet ouvrage beaucoup plus récent : Histoire de Lyon : des origines à nos jours / Jean Pelletier… et al., éd. 2007 : Les rives de la Saône, page 59 :
L’ancien bras au pied de Fourvière est entièrement remblayé à la fin du IIIe siècle. Un premier urbanisme s’en suivit dont l’axe principal était une rue méridienne, Tramassac – rue du Bœuf- rue Gadagne.(…)
C’est sur cette même rive que l’on place les ports de Saône : du nord au sud, quai Pierre Scize, quai de Bondy d’où proviennent cinq piédestaux de statues érigées en l’honneur des nautes de la Saône, ainsi que plusieurs centaines de sceaux de douane et de sceaux de commerce en plomb, Saint-Georges (outre les barques en bois, on découvrit autrefois, dans les fondations de la commanderie de Saint-Georges, un piédestal de statue érigée en l’honneur des nautes du Rhône et sur un terrain leur appartenant), quai des Etroits, où l’on découvrit en 1966 des docks d’époque flavienne. (…)
Toujours dans le même ouvrage de Pelletier et al., les auteurs reviennent sur cette question, chapitre "La ville du Bas-Empire", page 104 :
Quelques extraits de la suite :
L’étendue de la cité
(…) Les historiens de Lyon ont toujours admis que la colline de Fourvière, siège de la colonie proprement dite, avait à un moment donné de son histoire, été abandonnée. A. Audin situait ce moment au IVe siècle et en attribuait la cause à la ruine des aqueducs, provoquée par l’appropriation, par des bandes de pillards, des tuyaux en plomb des siphons. Plus d’eau, plus d’habitat. Les découvertes des différents chantiers de la colline ont ruiné cette belle théorie. Une constatation s’impose aujourd’hui : si la colline a bien été abandonnée, cet abandon a été progressif, certains quartiers se vidant, d’autres continuant à être occupés, totalement ou partiellement. En outre, cet abandon se situe plus tôt dans le temps. (…)
Ainsi, l’abandon de la colline paraît commencer à la fin du IIe siècle et se poursuivre jusqu’à la fin du siècle suivant. Quelle en serait la cause ? L’hypothèse de la rupture des aqueducs n’étant plus de mise, il faut tenter de trouver d’autres raisons. On peut en retenir deux. La première est « la prise de Lyon » en 197 par les troupes de Septime Sévère. Si nous ne savons rien de cet évènement, que beaucoup d’historiens ont eu tendance à grossir exagérément, on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’a pas du être bénéfique à la cité, loin s’en faut. Or les premiers départs des habitants de la colline sont contemporains de la bataille. La seconde raison est beaucoup plus générale. Elle tient à la crise qui frappe l’Empire à partir du règne de Marc-Aurèle et dont nous avons déjà étudié les effets à Lyon, au moment du déclenchement du pogrom de 177 contre les chrétiens. Une autre conséquence a été le resserrement du tissu urbain, la désertion d’un certain nombre de quartiers et la concentration des habitants, sans doute aussi moins nombreux dans de nouveaux noyaux urbains. (…)
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire, entre autres, la suite de ces chapitres. Ce document est consultable ou empruntable à la Part-Dieu ainsi que dans quelques bibliothèques d’arrondissements.
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