"Les filles sortaient en pleurs": l'ancien chauffeur de Weinstein en France témoigne
Il a été au coeur du système Weinstein. Depuis une semaine, les témoignages se multiplient pour dénoncer les agissements du producteur hollywoodien. Harcèlement, agressions sexuelles, menaces, viols: les accusations sont nombreuses, qu'elles se soient produites dans des chambres de New York ou des hôtels de Los Angeles, de Londres ou de la Côte d'Azur. S'il ne raconte pas avoir assisté aux agissements présumés d'Harvey Weinstein, son ancien chauffeur lors de ses séjours à Cannes racontent la tension permanente qui régnait dans son véhicule, surtout lorsque des jeunes femmes quittaient l'hôtel ou la villa du producteur.
"J’avais l’impression de conduire des pauvres gens innocents, des filles innocentes, de les emmener dans la gueule du loup et je ne pouvais pas leur dire ‘attention là où vous mettez les pieds, c’est dangereux’", témoigne Mickaël Chemloul sur BFMTV. "Mon travail c’était de transporter des invités à Harvey Weinstein et il fallait le faire. Malheur si un jour je ratais un rendez-vous ou je n’étais pas là."
Des filles "en pleurs"
Entre 2008 et 2013, Mickaël Chemloul a été le chauffeur attitré d'Harvey Weinstein lors que celui-ci séjournait sur la Côte d'Azur et notamment pendant la quinzaine cannoise. "Il avait la réputation d'un client difficile à gérer", raconte le chauffeur qui assure qu'il y a déjà dix ans, aucun de ses collègues ne voulait travailler pour lui. Décrit comme exigeant, colérique, le producteur se comportait comme "Dieu le père". "On avait peur de lui", confirme son ex-chauffeur. "Quand il rentre dans une colère, il devient ingérable, jusqu’à l’agonie. Il suffoque."
Pendant ces cinq années de service auprès d'Harvey Weinstein, le chauffeur a pris en charge actrices, mannequins mais aussi beaucoup de femmes inconnues du public qui espéraient un jour connaître le succès. "Quand elle repartait de chez Weinstein, il y avait de la tristesse, elles étaient mélancoliques", poursuit Mickaël Chemloul. "Je ne savais pas vraiment ce qu’il se passait mais je sentais que les filles... il fallait les consoler, leur proposer de l’eau fraîche, une cigarette."
"Il y a des filles qui sortaient en pleurs, pieds nus", se rappelle encore le chauffeur, qui aujourd'hui a décidé de tout raconter dans un livre.
"Stupid driver"
Mickaël Chemloul a assisté à de nombreuses reprises à ses scènes mais semble marqué par l'histoire d'une de ces jeunes femmes. "Celle qui m’a marqué le plus c’était une fille qui était fan de lui, qui l’aimait, qui le suivait depuis des années", détaille-t-il. "Elle donnait son corps, son âme, elle donnait tout à ce monsieur parce qu’il lui promettait de faire des castings et de faire un film qu’elle n’a jamais tourné." La dernière fois que le chauffeur l'a vue, c'était à l'aéroport de Nice en 2010. Elle n'avait même pas d'argent pour se payer un billet retour.
Harvey Weinstein n'était, semble-t-il, pas seulement violent avec les jeunes femmes, il l'était également avec son personnel. C'est ce qui a conduit Mickaël Chemloul à cesser de travailler pour lui. "Je supportais ses injures", explique-t-il. "Il me proférait beaucoup d’humiliations, il m’insultait. Il me disait 'stupid driver'." Un jour de 2013, le producteur l'a frappé, assure-t-il. "Je me suis retrouvé K.O.", explique-t-il. Le chauffeur a porté plainte pour "violences volontaires", une plainte qui a été classée sans suite. "Le plus dur c'est qu'il m'a promis que je n’allais plus jamais retravailler, ni avec lui, ni avec ses amis, ni avec les people, ni avec son carnet d’adresses et que ma boîte coulerait." Une prédiction qui s'est réalisée.