Alsace : des milliers de manifestants rejettent la réforme territoriale

Alsace : des milliers de manifestants rejettent la réforme territoriale

    «Touche pas à l'Alsace!» :  des milliers de personnes, 6.800 selon la police, jusqu'à 15.000 selon les organisateurs, selon «les Dernières nouvelles d'Alsace», ont manifesté samedi après-midi à Strasbourg (Bas-Rhin). Dans une forêt de drapeaux régionaux rouge et blanc, ils exprimaient leur rejet de la fusion avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne, dans le cadre de la réforme territoriale souhaitée par l'exécutif.

    Le rassemblement sous un beau soleil, confiné place de Bordeaux au nord de la ville, faisait figure de test grandeur nature pour la droite locale, UMP en tête, à l'origine de la manifestation avec les chambres consulaires régionales. La droite est majoritaire au conseil régional et dans les deux conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Dans la matinée, selon les DNA, 141 communes ont adopté une motion pour un Conseil unique d'Alsace, rejetée pourtant lors du référendum de 2013

    (lire ci-dessous, Ndlr)

    , qui regrouperait les trois instances.

    Si l'Alsace s'était plus ou moins résignée à l'idée de fusionner avec la Lorraine, la proposition des députés de rajouter la Champagne-Ardenne a incité la droite et le centre alsacien à s'opposer désormais à toute fusion. De son côté, la gauche alsacienne continue de plaider pour une union avec la seule Lorraine.

    «On ne mélange pas riesling et champagne»

    Sur une grande scène installée pour l'occasion se succédaient des groupes locaux aux noms évocateurs, comme les Bredelers ou les Kansas of Elsass, certains chantant en alsacien avant que le président de région Philippe Richert (UMP) prenne la parole. Ce dernier avait déclaré lundi que le Premier ministre Manuel Valls était disposé à renégocier le cas de l'Alsace. Mais selon les élus PS «l'option Alsace-Lorraine reste ouverte».

    Dégustations de pommes et de bretzels étaient également au menu. «Alsaciens oui! Moutons non!» ou encore «On ne mélange pas riesling et champagne», pouvait-on lire sur d'autres affiches.

    «Fusionner avec la Lorraine, ça ne me dérangerait pas, parce qu'on a une histoire commune

    (la Moselle a connu, comme l'Alsace, les annexions allemandes, Ndrl)

    . Mais quand ils

    (les députés)

    ont rajouté la Champagne-Ardenne, ça a été trop» expliquait Christian, un clerc d'huissier venu de la région de Mulhouse (Haut-Rhin) avec sa femme. «J'ai peur que l'Alsace se retrouve noyée, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés», a-t-il ajouté.

    «Je suis venue pour dire que je suis fière de mes racines, que je ne veux pas qu'on touche à notre patrimoine», témoignait Stéphanie Schaeffer, une mère de famille souriante arborant la coiffe alsacienne typique, avec ses grandes oreilles noires, et un T-Shirt avec des cigognes, l'oiseau emblématique de la région. On croisait aussi de nombreux élus locaux parmi les manifestants, maires de petites communes, adjoints ou conseillers municipaux.

    «A quand la France fédérale?»

    Olivier Brungard, adjoint au maire de Traubach-le-Haut, un village du Haut-Rhin, est venu avec d'autres élus et une pancarte interrogative : «Parisiens, jacobins, à quand la France fédérale?» «La solution n'est pas de former un ensemble grand comme la Belgique mais de donner beaucoup plus de compétences aux régions existantes», a-t-il expliqué, invitant à prendre exemple sur l'Allemagne et la Suisse, deux pays voisins avec des systèmes fédéraux, «qui ont des PIB parmi les plus forts d'Europe».

    Avant la manifestation, la gauche alsacienne avait dénoncé le risque d'alimenter le sentiment identitaire. La manifestation est en effet soutenue par le FN, le mouvement d'extrême droite «Alsace d'abord» et le parti régionaliste «Unser Land»

    (Notre pays, Ndlr)

    «Contrairement à d'autres régions, ce n'est pas dans la mentalité alsacienne de manifester, les Alsaciens sont très légitimistes» selon Jean-Georges Trouillet, porte-parole du mouvement Unser Land. «Quand ils manifestent, c'est que c'est sérieux».

    Le département lorrain de la Moselle a été annexé par l'Allemagne, comme le Bas-Rhin et le Haut-Rhin.