Le Parti libéral (PLQ) voudrait pouvoir soumettre le calendrier électoral à celui des fêtes religieuses ou des «événements culturels» importants.

Le gouvernement péquiste propose que les élections se déroulent désormais à date fixe. La date suggérée actuellement à l'étude du projet de loi: le premier lundi d'octobre, quatre ans après l'élection du gouvernement. Or, le premier lundi d'octobre coïncidera en 2016 avec la Roch Hachana, le Nouvel An juif. Comme d'habitude, les électeurs pourraient aussi se prévaloir du vote par anticipation, quelques jours plus tôt. Les libéraux estiment qu'un tel changement de date serait néanmoins nécessaire.

«On ne peut pas commencer à fixer le calendrier des élections à partir des fêtes religieuses. Savez-vous combien il y a de fêtes religieuses? Il y en a plus d'une centaine», a dénoncé le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville.

Le libéral Robert Dutil y voit de l'«intolérance». Il accuse le ministre d'exagérer. «C'est pourtant ce qui s'est fait en Ontario», rappelle-t-il. Selon la loi électorale ontarienne, le Directeur général des élections (DGE) peut demander un changement de date si les élections se déroulent lors d'un événement avec «une importance culturelle ou religieuse». Au Canada, 10 législatures ont des élections à date fixe. La moitié ne prévoit pas ces exceptions.

Par la suite, les libéraux ont donné l'exemple de situations exceptionnelles imprévisibles, comme la menace du H1N1 à l'automne 2009 qui aurait compliqué la tenue d'un scrutin. Ils ont donc soumis un amendement pour que le DGE du Québec puisse, comme son homologue ontarien, proposer un changement de date au besoin. Mais le DGE du Québec, Jacques Drouin, ne veut rien savoir de ces nouveaux pouvoirs. Le terme «importance culturelle ou religieuse» est imprécis et trop difficile à interpréter, a-t-il expliqué. «Je ne sais pas comment on pourrait s'en sortir», a-t-il dit. Il propose plutôt le modèle du Nouveau-Brunswick, «plus facile à gérer». C'est le premier ministre qui prend la décision politique de demander un changement de date à son lieutenant-gouverneur. «Nous c'est la solution qu'on privilégie, de ne pas donner ça au DGE» Consensus brisé?

Le gouvernement péquiste a déposé l'automne dernier un projet de loi pour instituer des élections à date fixe. Comme l'exige la tradition, avant de modifier la loi électorale, les élus ont cherché un consensus. Tous les partis se sont entendus pour une date: le premier lundi d'octobre, quatre ans après l'élection du gouvernement. On a même attendu l'élection du nouveau chef Philippe Couillard à la fin mars avant de conclure cet accord.

Mais lors de l'étude détaillée du projet de loi mercredi, les libéraux ont modifié leur position en constatant que si cette loi était adoptée, les prochaines élections pourraient se dérouler durant la Roch Hachana. M. Dutil explique que les libéraux ne savaient pas alors que la Roch Hochana se déroulerait en 2016 un 3 octobre. La date de cette fête varie en fonction du calendrier lunaire.

«C'est tellement difficile d'avoir un accord. Une fois qu'on l'a, il faut le respecter, a lancé M. Drainville. Est ce que les libéraux sont en train de se servir des fêtes religieuses pour priver les Québécois d'élections à date fixe. C'est ça la question qui se pose.»

«S'ils ne sont plus d'accord avec les élections à date fixe, qu'ils nous le disent. On travaille sur un consensus. Je suis un peu déçu», a renchéri le caquiste Gérard Deltell.

Les libéraux plaident qu'ils font leur travail parlementaire en essayant d'améliorer la loi. «On n'a pas changé d'idée, on a dit qu'on était favorable (...) mais on veut le faire correctement. On a besoin d'une certaine souplesse», a soutenu M. Dutil.

Débat virtuel

La CAQ accuse les libéraux de faire un débat sur une «date virtuelle». La date du 3 octobre 2016 qui inquiète particulièrement les libéraux reste très théorique. Elle prescrit la durée de vie maximale d'un gouvernement. Mais rien n'empêcherait de renverser le gouvernement minoritaire péquiste et déclencher ainsi des élections hâtives. «Vous le savez, vous serez battus avant cette date-là ! Vous ne tougherez pas la run», a prévenu le caquiste.

Le ministre Drainville a proposé de référer seulement au premier lundi d'octobre de façon générale, sans parler du premier rendez-vous, de toute façon fort improbable, du 3 octobre 2016. Cet amendement a été accepté.

Les libéraux avaient proposé auparavant de déplacer les élections en 2016 le dernier lundi de septembre, mais cette date coïncidait aussi avec une fête religieuse. Ils ont ensuite proposé le 31 octobre, jour de l'Halloween, puis le 7 novembre.

Plus tard, ils ont proposé de reporter les élections au lundi suivant, qui est la journée de l'Action de Grâces, un jour férié et une fête religieuse catholique. «Je ne vois pas la logique», a lancé M. Drainville.