La question des «accommodements religieux» n'est pas réglée, selon un sondage commandé par le gouvernement péquiste pour préparer son projet de charte de la laïcité.

Selon ce sondage dont La Presse a obtenu copie, cet enjeu est «aussi important» (57%) ou «plus important» (18%) qu'il ne l'était il y a cinq ans lors de la commission Bouchard-Taylor.

Le gouvernement péquiste estime avoir en main un sujet payant pour demander une majorité lors de la prochaine campagne électorale. Le Parti libéral (PLQ) ne veut rien savoir d'une charte de la laïcité, jugée trop stricte, alors que la Coalition avenir Québec (CAQ) veut coller davantage à la laïcité ouverte du rapport Bouchard-Taylor.

Le ministre délégué aux Institutions démocratiques, Bernard Drainville, ne veut pas reprendre le long processus consultatif de cette commission. Il présentera des intentions précises à la fin de l'été. Un projet de loi devrait suivre à l'automne. La charte de la laïcité pourrait être rebaptisée charte des valeurs québécoises, une expression plus rassembleuse, selon ce que révèle le sondage. On y apprend que selon 70% des sondés (35% tout à fait d'accord, 35% plutôt en accord), «encadrer les accommodements religieux» équivaut à «protéger les valeurs québécoises».

En campagne électorale, le Parti québécois promettait de proclamer dans sa charte que le Québec est «laïque» et que l'égalité entre les hommes et les femmes prime sur la liberté de religion. Son projet de charte doit par exemple empêcher un homme d'invoquer sa religion pour refuser d'être servi par une femme fonctionnaire. Il doit aussi interdire les signes religieux ostensibles comme le turban, le hidjab ou la kippa aux employés de la fonction publique, dont les infirmières et les enseignants. La commission Bouchard-Taylor recommandait d'interdire ces signes religieux seulement aux policiers, gardiens de prison, juges et procureurs de la Couronne.

Comme le fait le gouvernement péquiste, le sondage parle «d'accommodements religieux», et non «d'accommodements raisonnables», concept juridique plus large utilisé par les tribunaux. Quand on les nomme ainsi, 69% des sondés estiment qu'ils «nuisent au bon fonctionnement des institutions publiques». Les Québécois sont toutefois moins nombreux à reprendre le raisonnement péquiste sur lequel s'appuie cette affirmation. Le tiers des sondés croit que «le fait de voir un fonctionnaire porter un signe religieux» fait porter à croire qu'il «n'effectuera pas son travail de façon neutre et impartiale».

Une proportion de 54% de Québécois croit qu'il faudrait «interdire tout signe religieux sur la place publique» (29% «tout à fait d'accord», 25% «plutôt en accord»). Quand on cible certaines pratiques, l'opposition augmente. Seulement 9% des sondés jugent «acceptable» de permettre les signes religieux pour les éducateurs en garderie, les enseignants au primaire et secondaire ou les professeurs de cégep et les fonctionnaires.

L'égalité homme-femme est le principe le plus consensuel. Seulement 8% des sondés sont d'accord pour «permettre à un client» d'exiger d'être servi par quelqu'un du même sexe.

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Le sondage a été réalisé auprès de 1506 internautes, dont 500 non francophones, entre le 12 et le 17 mars. L'échantillonnage a été pondéré en fonction du sexe, l'âge, la région, la scolarité, la langue et la nationalité. La marge d'erreur maximale dans un intervalle de confiance de 95% est de +/- 2,53%.