Hollande : le péché originel des hausses massives d'impôts

Les couacs fiscaux se multiplient. L'exécutif paie les quelque 35 milliards d'augmentations d'impôts subies par les ménages entre 2012 et 2013.

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François Hollande paie ses deux premières années de quinquennat.
François Hollande paie ses deux premières années de quinquennat. © AFP

Temps de lecture : 6 min

Décidément, la fiscalité restera comme le sparadrap du capitaine Haddock pour François Hollande. Depuis son arrivée à l'Élysée, celui qu'on surnomme le « chef de bureau fiscal » traîne ce sujet comme un boulet.

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Alors que le gouvernement communique sur les baisses d'impôts à destination des ménages modestes depuis la mi-2014, voilà qu'une hausse décidée sous Nicolas Sarkozy - la suppression de la demi-part fiscale des veuves - lui revient comme un élastique à la figure, via ses effets sur la fiscalité locale pour les retraités modestes. À près d'un mois des élections régionales, l'affaire est d'autant plus désastreuse pour la majorité de gauche que c'est sa clientèle électorale qui est touchée.

Des rétropédalages réguliers

Bercy a beau ne pas ménager ses efforts pour rectifier le tir en un temps record, la critique de l'amateurisme de l'exécutif fleurit partout dans la presse. La hausse soudaine de la fiscalité locale pour 250 000 personnes a éclipsé la baisse d'impôt sur le revenu effective pour 9 millions de foyers fiscaux, entre 2014 et 2015, tout comme le nouveau geste pour 2016, censé profiter à 8 millions de foyers fiscaux pour 2,1 milliards d'euros.

François Hollande paie la complexité du système fiscal français, fait de multiples seuils et exonérations, mais aussi son refus de le réformer en profondeur. En 2013, c'était sur la taxation des plans épargne logement (PEL), comptes épargne logement (CEL) et autres contrats d'assurance-vie qu'il s'était pris les pieds dans le tapis, avant de rétropédaler devant la fronde. Pleine punition face à la colère des Pigeons, qui avaient dénoncé le nouveau régime d'imposition des plus-values de cessions inscrite dans le projet de loi de finances 2013.

Une coupe trop pleine

Mais si les Français sont désormais aussi sensibles, c'est qu'ils ont été échaudés par des hausses d'impôts considérables depuis plusieurs années. Le matraquage n'a pas commencé avec l'arrivée de François Hollande à l'Élysée. Les hausses votées sous sa présidence s'ajoutent à celles adoptées lorsque Nicolas Sarkozy était aux affaires. Au total, la facture atteindra 58 milliards d'euros fin 2016 pour les ménages depuis la loi de finances de 2011, selon les chiffres calculés par COE-Rexecode, un institut de recherche économique qui a additionné les effets de toutes les mesures fiscales.

À elles seules, les deux premières années du quinquennat (2012-2013) ont été marquées par une hausse astronomique de 34,9 milliards de prélèvements sur les ménages, toujours selon Coe-Rexecode. Une hausse justifiée par la réduction à marche forcée du déficit public contrôlée par le reste de la zone euro. Si l'essentiel de l'augmentation a pesé sur les ménages les plus aisés (fiscalisation des heures supplémentaires, tranche d'impôt sur le revenu à 45 %, hausse de l'ISF, baisse du plafond des niches fiscales, alignement de la taxation du capital sur les revenus du travail, baisse du quotient familial), elle a aussi frappé les ménages moins aisés, notamment à cause de la poursuite du gel du barème de l'impôt sur le revenu décidé par la droite. La promesse de François Hollande d'épargner 9 personnes sur 10 est loin d'être tenue.

Une « pause fiscale » qui n'en était pas une

Face au « ras-le-bol » fiscal reconnu publiquement par l'ex-ministre des Finances, Pierre Moscovici, à l'été 2013, 2014 était censée devenir la première année de la « pause fiscale ». Une « pause » annoncée par François Hollande lui-même, parce que le taux de prélèvements obligatoires sur le PIB était censé rester stable.

C'était compter sans toutes les hausses décidées les années précédentes et qui continuaient de monter en charge. Parmi ces augmentations d'impôts figurent la hausse de la TVA à de 19,6 à 20 %, et de 7 à 10 % pour le taux intermédiaire destiné à financer le crédit d'impôt compétitivité-emploi des entreprises (CICE), ou encore l'augmentation progressive, jusqu'en 2017, des cotisations retraites des salariés décidée dans le cadre de la réforme des retraites.

Hausse sur les carburants, l'électricité

D'autant que le gouvernement a continué à faire voter de nouvelles hausses d'impôts sur les ménages dans la loi de finances 2014 pour financer l'allègement des prélèvements sur les entreprises, comme la fiscalisation de la part employeur de la complémentaire santé d'entreprise, mais aussi de la majoration de 10 % pour les retraités ayant élevé 3 enfants. La « pause fiscale » n'a pas non plus évité une seconde baisse du quotient familial (officiellement une « dépense fiscale ») ou la hausse du plafond de la taxe départementale sur les droits de mutation à titre onéreux, de 3,8 % à 4,5 % (une partie des fameux « frais de notaire », à acquitter lors de l'achat d'un bien immobilier).

Quant à la loi de finances 2015, elle a augmenté de 2 centimes la taxe sur les carburants dans le cadre de la contribution climat-énergie, un mouvement qui va se poursuivre en 2016 (une hausse supplémentaire sur le gazole a, en plus, été annoncée pour des raisons de santé publique). La contribution au service public d'électricité, qui frappe tout le monde, va elle aussi continuer à progresser.

51 milliards de prélèvements supplémentaires en 4 ans

Bilan, malgré les baisses de prélèvements ciblées sur les ménages modestes votées à partir de 2014, les impôts ont continué d'augmenter de 11 milliards en 2014, et 3,4 milliards en 2015, selon les chiffres de COE-Rexecode. Si le mouvement ralentit donc sensiblement, il ne s'en poursuit d'ailleurs pas moins avec 1,9 milliard de prélèvements supplémentaires l'année prochaine. Au total, les ménages auront eu à acquitter 51 milliards de prélèvements supplémentaires en quatre ans, de 2012 à 2016.

À la décharge du gouvernement, ce sont parfois des mesures prises par la droite, aux effets différés dans le temps, qu'il paye auprès des classes populaires. La suppression de la demi-part des veuves n'en est que le dernier avatar. Auparavant, François Hollande avait dû assumer les conséquences du gel du barème de l'impôt sur le revenu validé sous son prédécesseur, mais sur lequel il n'était pas revenu.

Valls regrette les hausses d'impôts d'Ayrault

Mais il est aussi victime de ses propres décisions. En 2014, la majorité avait décidé d'augmenter les taxes sur le foncier non bâti dans les zones tendues pour libérer des terrains constructibles et favoriser la construction. Elle est en train de se rendre compte que cela a exactement l'effet attendu : faire exploser les taxes sur ce type de terrain. Sauf que, même peu nombreux (quelque 1 700, selon Les Échos), les propriétaires sont parfois des ménages aux revenus modestes, qui ne comprennent pas pourquoi leur imposition décolle. Une nouvelle fois, le ministère des Finances a donc enclenché le rétropédalage.

Dernier couac en date : sur l'allocation adulte handicapé (AAH). Sous le prétexte, peut-être louable, de prendre en compte le capital des bénéficiaires pour calculer le montant de l'AAH (moins de 900 euros par mois), afin de réduire les dépenses publiques, le gouvernement a osé inclure les intérêts défiscalisés du livret A ou d'épargne populaire (à peine plus de 200 euros par an maximum) dans les ressources. Une mesure qui aurait automatiquement privé les bénéficiaires de prestations complémentaires à l'AHH...

Quelle que soit la promptitude de ses équipes pour réagir à tout début de grogne, François Hollande aura du mal à effacer l'erreur originelle des hausses massives d'impôts du gouvernement Ayrault. Manuel Valls l'a reconnu à la mi-octobre lors d'un débat organisé par le Club de l'économie du quotidien Le Monde : « Je pense que ce choix a pesé lourdement sur l'activité économique [...], et ça a été un choc fiscal pour les gens, ce qui explique beaucoup de la rupture entre cet exécutif et d'une manière générale les responsables politiques et les Français. »

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Commentaires (40)

  • Petit malin

    C'est un euphémisme de dire que la réglementation et les méthodes de calculs de l'impôt sont complexes (surtout les taxes locales) ! Sans doute pour cela que Hollande rêve de le faire calculer par les entreprises, avec la retenue à la source ! On imagine...
    Le gouvernement mais tout sur le dos du précédent gouvernement qui a supprimé la demie part des veuves il y a 5 ans. Un peu facile !
    Car je pense qu'il y a 5 ans des simulations avaient été faites et que "cela passait" sans heurts. Mais avec la politique d'alors...
    Pas celle de la Gauche qui a imposé depuis les 10 % de majoration de retraite attribuée pour avoir élevé 3 enfants et qui ne l'étaient pas auparavant, le gel des retraites mais avec dégel des barêmes, etc. , etc. C'est cette accumulation de nouveautés fiscales qui a créé cette situation. Et le gouvernement n'a rien vu, n'a rien maîtrisé...
    A cela s'ajoute la volonté affirmée de ne pas faire payer d'impôts à plus de la moitié des français, dans la 5° puissance économique mondiale... Cherchez l'erreur !
    Evidemment, la moindre mesure risque beaucoup plus qu'avant d'impacter tous ces nouveaux exonérés, forcément "sur le fil", puisque juste avant il payait l'impôt ! CQFD...
    Là on est dans la pure idéologie, car il est "normal" de payer l'impôt en proportion de ses revenus aussi fiable soit-il. C'est même constitutionnel... Or les socialo-communistes veulent "exonérer" le plus grand nombre de leurs supposés électeurs (qui vote FN pourtant massivement) !
    Un utilisateur de télévision doit payer la redevance. Le service n'est pas gratuit... On pourrait imaginer des réductions, mais pas une exonération totale et automatique.

    L'impôt est devenu peu à peu incontrôlable, fou... La créature échappe à ses gardiens de Bercy et à ses maîtres de Matignon et de l'Elysée ! D'où les couacs...

  • On se bat toujours pour ce qui

    La dette n'a pas diminué pour autant dans les clous de Maastrich mais augmenté et atteint plus de 2000Mrds€ +4500Mrds€ des retraites des régimes spéciaux hors compte

    Pour la simple raison que 2 millions de fonctionnaires sont en doublons et 450 000 élus sont de trop ! Dont un millions dans les collectivités territoriales et la suppression de tous les "comités Théodules" inutiles soit 400 000 personnels des placards dorés de la République que la folie idéologique de chaque ministre a eu au cour du temps soit 50Mrds€ d'économies annuelle ! Sans parler du mille feuilles administratif empilé, inefficace et devenu obsolète...

    En 30 ans d'alternance UMPS, la droite reste la championne de la dette avec Sarkozy en tête, à lui seul il cumule une dette de plus de 750Mrds€ ! En cause sa politique de relance par l'emprunt et des niches fiscales, donc de la dette ! Principalement sur le secteur des services au grand mépris de l'industrie seule créatrice d'emploi dans les services et de la recherche. Cette grave erreur de casting économique engendrant un manque de compétitivité international flagrant, caractérisé par un déficit commercial extérieur équivalent à + de 3% de PIB ! Inutile de préciser que la croissance en prend pour son grade. La droite ne dépassera jamais en moyenne 1. 65% !
    Inutile de préciser que le chômage de masse issu de ses politiques après traitement social est volontairement entretenu à 8. 5% de la population active au sens du BIT...

  • sergio46

    La France a au bas mot plus d'un million de fonctionnaires inutiles, si l'on compare avec l'Allemagne et l'Angleterre et l'essentiel de nos dérapages budgétaires vient de là !
    Mais celui qui se prend pour le président alors qu'il ne fait rien, n'y touchera pas car ce sont ses derniers électeurs !
    Au XXIème siècle, le statut de fonctionnaire est une absurdité très coûteuse et surtout sans la moindre justification pour au moins 70% des postes.
    Tout candidat à la présidentielle qui ne pose pas le problème de ce sureffectif indécent est d'office disqualifié pour cette fonction !