Après des mois de tergiversations sur l'échéancier du retour au déficit zéro, Philippe Couillard promet l'équilibre budgétaire en 2015-2016 peu importe les « trouvailles » que ferait le Vérificateur général. Son cadre financier qu'il juge « réaliste » repose en bonne partie sur des compressions non identifiées de 1,3 milliard en deux ans.

Le budget Marceau, déposé avant les élections, prévoit le même échéancier de retour au déficit zéro, mais il ne tient pas la route aux yeux du chef libéral.

Après un déficit de 2,5 milliards pour l'année en cours - qui prend fin le 31 mars - et de 1,4 milliard l'an prochain, un gouvernement libéral dégagerait un surplus de 109 millions en 2015-2016, a affirmé Philippe Couillard. Ce surplus dépasserait le milliard la cinquième année d'un mandat libéral, selon lui. Il s'engage à verser la moitié des surplus annuels au Fonds des générations, pour réduire le poids de la dette, et l'autre moitié en réduction du fardeau fiscal. La taxe santé serait abolie progressivement à compter de 2016-2017. Elle a été créée par le gouvernement Charest puis modifiée par le gouvernement Marois.

Au chapitre des revenus, le PLQ prévoit une croissance économique plus importante que le gouvernement Marois (2,1% au lieu de 1,9% en 2014-2015). Selon Philippe Couillard, l'élection d'un gouvernement libéral enverrait un signal positif aux investisseurs qui sont en ce moment  « assis sur leurs mains ». Ses mesures de « stimulation économique » porteraient fruit selon lui.

Les revenus autonomes du gouvernement augmenteraient de 4,8% en 2014-2015, une cible plus élevée que celle du budget Marceau.

Philippe Couillard croit irréaliste de limiter les dépenses en santé et en éducation à 3% comme veut le faire le Parti québécois. Il s'engage à maintenir une croissance annuelle de 4% et 3,5% respectivement, mais les budgets de tous les autres ministères seraient gelés. La croissance annuelle des dépenses budgétaires serait de 2,875 % pendant tout un mandat. 

Un gouvernement libéral indexerait le tarif des services de garde à 7 $ par jour - une hausse annuelle d'environ 2% - plutôt que de le faire passer à 9$ en deux ans comme l'a annoncé le gouvernement Marois.

Philippe Couillard estime que toutes ses promesses seraient en bonne partie compensées par des mesures de « réduction de la bureaucratie». En cinq ans, elles se chiffrent à 187,5 millions en éducation - avec l'abolition de 620 postes au ministère - et à 1,2 milliard dans le secteur de la santé - avec une réduction de 10% des dépenses administratives demandées à tous les étages du réseau.

Le Parti libéral table également sur des compressions de 600 millions en 2014-2015 et de 750 millions en 2015-2016 afin d'atteindre l'équilibre budgétaire. Le document donne peu de détails à ce chapitre. « Ce sont des mesures qui vont venir de la révision des programmes », a expliqué Philippe Couillard en conférence de presse mardi. Un gouvernement libéral mettrait en place une « commission permanente de révision des programmes », sous l'égide du Conseil du trésor. M. Couillard entend également rétablir la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite.

Un gouvernement libéral demanderait également aux sociétés d'État comme Hydro-Québec et la Société des alcools du Québec d'augmenter leurs dividendes versés à l'État de 200 à 300 millions par année. Ce serait fait non pas en augmentant les tarifs ou les prix, mais plutôt par des « gains d'efficience », donc une réduction des dépenses administratives, a soutenu M. Couillard.

Comme il l'avait déjà dit, Philippe Couillard entend donner le mandat au Vérificateur général de faire un examen des finances publiques dès son éventuelle accession au pouvoir. Mais il a assuré que l'atteinte du déficit zéro se ferait en 2015-2016 peu importe, ses constats. « On va faire en sorte qu'il se réalise même après l'examen », a-t-il dit. Son cadre financier serait « révisé en tenant compte des trouvailles du Vérificateur général, s'il y en a », mais cela ne remettrait pas en question ses engagements. Les promesses du Parti libéral « vont se réaliser. S'il faut faire encore plus d'efforts de rationalisation, on le fera. On n'ira pas demander aux contribuables de mettre la main dans leurs poches davantage. On va atteindre nos objectifs, on va remplir nos engagements. S'il faut aller plus loin dans le contrôle des dépenses, ce sera ça notre choix en réponse à ce que le Vérificateur général nous dira », a expliqué M. Couillard, entouré de ses candidats Jacques Daoust, Carlos Leitao et Martin Coiteux.

«Chiffres trafiqués», accuse Marceau

Le ministre des Finances Nicolas Marceau accuse carrément le PLQ de présenter des «chiffres trafiqués».

«Ils se prévoient 5 milliards de revenus qui n'existent pas, ils s'inventent cinq milliards de revenus... Ce sont des chiffres trafiqués», a-t-il lancé en point de presse aux côtés des deux autres membres du trio économique péquiste, Pierre Karl Péladeau et Simon Prévost (ex-dirigeant de Manufacturiers Exportateurs Québec).

Les libéraux misent sur une croissance du PIB de 2,1%, alors que plus tôt cet hiver, leur candidat vedette Carlos Leitao prévoyait plutôt une croissance de 1,8%, a rappelé M. Marceau. Le vérificateur général a qualifié la prévision péquiste de «raisonnable», a-t-il ajouté.

Il accuse aussi M. Couillard d'avoir baissé les bras face à son candidat Gaétan Barrette. Contrairement aux péquistes, les libéraux refusent de négocier avec les médecins spécialistes pour étaler leurs hausses salariales, qui grugeront plus de la moitié de l'argent frais investi en santé l'année prochaine.

Le PQ se montre aussi sceptique face à l'exemption en gain de capital lors de vente d'une entreprise à un membre de la famille. «Ça fait 25 ans qu'on tente de le résoudre et personne n'a encore trouvé la réponse», dit M. Marceau.

Selon les libéraux, cette mesure coûtera 300 millions de dollars par année. Une prévision irréaliste, selon M. Marceau. «En plus d'ouvrir la porte aux abus, cela pourrait coûter au trésor public des milliards de dollars.»

M. Péladeau a de son côté parlé de création d'emploi. Il a vanté son bilan à cet égard à Vidéotron, Illico et dans les chaînes spécialisées de TVA. «La priorité c'est l'emploi, et je me suis engagé en politique pour travailler et faire en sorte que je puisse amener cette expérience», a-t-il dit.

Il accuse les libéraux de trop miser sur les investissements en infrastructures pour relancer l'économie. La «vieille formule» de «l'asphalte et du béton» est «dépassée» et «coûte très cher en corruption», dit-il.

Le gouvernement péquiste a réduit de 15 milliards sur 10 ans les investissements en infrastructures. Les libéraux veulent rétablir ces sommes.

- Avec Paul Journet