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Des médias accusés de minimiser le risque terroriste parmi les migrants

Lundi, le maire de Nice, Christian Estrosi, et le site d’extrême droite Fdesouche, ont mis en cause France Inter.

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Publié le 17 novembre 2015 à 19h09, modifié le 17 novembre 2015 à 18h46

Temps de Lecture 4 min.

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« On vous l’avait bien dit… », semblent entonner ceux qui ont brandi de longue date le risque de voir des terroristes se mêler aux migrants arrivant en Europe. Ainsi, le député républicain des Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, tout comme le site d’extrême droite Fdesouche, n’ont pas manqué de souligner qu’un des auteurs des attentats du 13 novembre s’est présenté en Grèce en tant que réfugié syrien. Et au passage, ils ont pointé du doigt les médias, accusés d’avoir été trop angéliques dans leur traitement.

« Fantasme »

« Des terroristes parmi les migrants : quand les médias dénonçaient un fantasme », a titré Fdesouche, listant une quinzaine de liens vers des sites d’information. Christian Estrosi a, lui, choisi de cibler un article et un média en particulier : France Inter. Il a accusé la radio de service public d’avoir réalisé un « maquillage » sur « un article qui donne tort à ses journalistes ». Reprenant un argument de Fdesouche, le maire de Nice s’est indigné lors de son passage lundi sur France Info, mais aussi sur Twitter.

En cause : le changement de titre, dimanche, d’un article du site de France Inter, initialement publié le 14 septembre. « Réfugiés : le fantasme de l’infiltration terroriste » a été changé en « Des terroristes parmi les migrants ? » Pour Fdesouche, cette modification « en loucedé » est la preuve du malaise du média.

Contactée, France Inter reconnaît une « maladresse » décidée dans l’urgence dimanche. Mais assure avoir agi pour répondre à une inquiétude légitime : protéger l’auteur de l’article, qui était « victime d’insultes, mais aussi de menaces sérieuses » depuis que son nom et son article ont été exhumés, samedi, sur les réseaux sociaux. Sa signature a été retirée dimanche… et le titre adouci.

Le ministère de l’intérieur et les experts

Au-delà de cette petite polémique, les médias ont-ils occulté le risque d’infiltration d’islamistes sur la route des Balkans ? Difficile de généraliser mais avec le recul, le titre initial de l’article de France Inter semble trop catégorique. « Ce n’est pas notre journaliste qui a mal fait son boulot, rétorque Jean-Marc Four, directeur de la rédaction de la radio. Elle s’est appuyée sur le ministère de l’intérieur : dans un échange en off avec d’autres collègues, il se disait alors très peu préoccupé par ce risque. » L’éventuelle « sous-évaluation » du problème serait donc plutôt le fait de Beauvau.

« Les migrants qu’on laisse entrer en France sont ceux qui veulent y demander l’asile. Or quand on fait une demande d’asile, on laisse nécessairement ses empreintes, on se fait photographier, et les services de l’OFPRA (l’office de protection des réfugiés) consultent les fichiers de police français et internationaux. Si une personne est recherchée, ou signalée par exemple pour radicalisme, c’est non : elle n’obtiendra pas le statut de réfugié et pourra même être expulsée », expliquait l’article, citant le ministère.

La route des Balkans jugée risquée et lente

Dans les autres liens pointés par Fdesouche, on trouve plusieurs articles s’appuyant en fait sur des sources identiques, par exemple des tweets du journaliste David Thomson, de RFI, en août. Ce spécialiste du djihad réagissait à l’affirmation formulée par le maire de Nice sur la présence de terroristes parmi les migrants, et avant lui par la présidente du Front national, Marine Le Pen :

« A ce stade, les propos de Christian Estrosi au sujet des migrants et de l’Etat islamique sont factuellement faux. Jamais l’Etat islamique n’a encore utilisé les flux de migrants pour s’infiltrer en Europe dans le but d’y réaliser des attentats. Cette option initialement diffusée dans la presse italienne, puis instrumentalisée politiquement, n’est présente dans aucun communiqué », avait écrit M. Thomson, selon Le Lab.

Le journaliste de RFI ajoutait toutefois : « Pour autant, une telle option n’est pas non plus totalement exclue. »

D’autres articles se fondent sur les mêmes dépêches AFP, l’une du 21 mai, l’autre du 14 septembre. Leur angle est commun : « Des djihadistes peuvent gagner l’Europe sans se cacher parmi les migrants. » Y sont cités des officiels, dont le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, qui appelle à la vigilance ; mais aussi plusieurs spécialistes, assez sceptiques. Pour eux, il est plus rapide et moins risqué pour l’Etat islamique de passer par d’autres voies, comme l’avion, que de tenter la route des Balkans.

« Exagérer la menace serait complètement idiot, mais la nier absolument serait faux », relativisait Eric Dénécé, du Centre français de recherches sur le renseignement, dans une dépêche.

Et le débat sur les migrants ?

Les médias ont-ils péché par excès de certitudes ? Jean-Marc Four, de France Inter, rappelle que « la vérité du jour n’est pas celle du lendemain ». Le parcours de l’auteur des attentats du 13 novembre passé par la Grèce montre que le processus d’enregistrement des migrants peut laisser passer un individu non fiché ou utilisant un faux passeport – en l’occurrence de Syrie, pays en guerre. L’Ofpra explique aujourd’hui avoir dans quelques cas refusé l’asile pour des soupçons de terrorisme. Mais ne peut agir si l’arrivant ne dépose pas de dépôt de dossier.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Craintes sur l’arrivée de terroristes avec les migrants

« Sur le fond, il y a peut-être eu chez les journalistes une forme de minimisation, mais pas forcément consciente, pense M. Four. Car les thèmes du terrorisme et des migrants se téléscopent et sont tous les deux sujets à instrumentalisation politique. »

Intéressante pour la lutte contre le terrorisme, la question ne change pas forcément les termes du débat sur l’immigration et les réfugiés : « Même si on admet que quelques terroristes passent dans le flot de migrants, faut-il pour autant renoncer à trouver une solution d’accueil pour tous les autres ? », demande M. Four.

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