Language of document : ECLI:EU:C:2013:723



ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

7 novembre 2013 (*)

«Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Articles 3 et 4»

Dans l’affaire C‑23/13,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 17 janvier 2013,

Commission européenne, représentée par MM. J.-P. Keppenne et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République française, représentée par MM. D. Colas et S. Menez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), président de chambre, Mme M. Berger et M. S. Rodin, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas assuré:

–        la collecte des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Basse-Terre et de Saint-Denis, dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000, et

–        le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Ajaccio-Sanguinaires, de Basse-Terre, de Bastia-Nord, de Bordeaux, de Cayenne-Leblond, de Fort-de-France, de Neuville-sur-Saône et de Saint-Denis, dont l’EH est supérieur à 15 000,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40).

 Le cadre juridique

2        Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels. Elle a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires.

3        L’article 2 de cette directive énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)      ‘eaux urbaines résiduaires’: les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement;

[...]

5)      ‘système de collecte’: un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires;

[...]

7)      ‘traitement primaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé physique et/ou chimique comprenant la décantation des matières solides en suspension ou par d’autres procédés par lesquels la DB05 des eaux résiduaires entrantes est réduite d’au moins 20 % avant le rejet et le total des matières solides en suspension des eaux résiduaires entrantes, d’au moins 50 %;

8)      ‘traitement secondaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I;

[...]»

4        L’article 3 de la directive 91/271 prévoit:

«1.      Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

[...]

2.      Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I point A. [...]»

5        Aux termes de l’article 4 de cette directive:

«1.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,

[...]

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I point B. [...]

4.      La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations.»

6        L’annexe I de la directive 91/271, intitulée «Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires», prévoit, à son point A, les prescriptions auxquelles doivent répondre les systèmes de collecte et, à son point B, celles applicables aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices. Le point 2 de ce point B renvoie aux prescriptions figurant au tableau 1 de ladite annexe I.

7        Le tableau 1 susmentionné fixe les valeurs maximales de concentration ou les pourcentages minimaux de réduction qu’il convient de respecter pour certains paramètres.

8        À l’annexe I de la directive 91/271, le point D, intitulé «Méthodes de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats», indique, au point 3, le nombre minimum d’échantillons à prélever à intervalles réguliers au cours d’une année entière en fonction de la taille de la station d’épuration. Ce point 3 prévoit le nombre annuel minimum d’échantillons par rapport au nombre d’EH.

 La procédure précontentieuse

9        Le 9 juillet 2004, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République française, dans laquelle elle indiquait que 341 agglomérations françaises ne respectaient pas les obligations relatives à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires imposées par les articles 3 et 4 de la directive 91/271 et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette mise en demeure.

10      Par une note du 2 août 2004, la République française a sollicité un délai de réponse supplémentaire d’un mois, délai qui a été accordé par la Commission le 10 août 2004.

11      Par lettre du 18 octobre 2004, la République française a adressé à la Commission sa réponse à la lettre de mise en demeure.

12      La Commission a, par lettre du 19 décembre 2005, transmis à la République française une lettre de mise en demeure complémentaire dans laquelle elle a maintenu ses observations selon lesquelles, concernant 199 agglomérations, les obligations prévues aux articles 3 et/ou 4 de la directive 91/271 ne seraient pas respectées.

13      La République française a, par lettre du 19 avril 2006, répondu à cette lettre de mise en demeure complémentaire en fournissant des clarifications sur les 199 agglomérations restant en litige.

14      N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a, par lettre du 17 octobre 2008, transmis à la République française un avis motivé, indiquant que, selon elle, dans 140 agglomérations, les obligations prévues aux articles 3 et/ou 4 de la directive 91/271 n’étaient pas respectées. La Commission invitait, par conséquent, cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

15      En réponse audit avis motivé, la République française a, par notes successives reçues le 17 décembre 2008 et les 20 janvier et 9 février 2009, ainsi que par une réponse complémentaire du 11 janvier 2010, fourni un tableau récapitulatif de la situation des agglomérations couvertes par la procédure d’infraction. Par la suite, la République française a encore transmis quatre nouvelles notes datées du 14 octobre 2011 ainsi que des 16 janvier, 24 avril et 22 mai 2012.

16      Ne s’estimant pas satisfaite par ces réponses, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

17      Par le présent recours, la Commission demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas assuré la collecte et le traitement des eaux urbaines résiduaires de plusieurs agglomérations dont l’EH est supérieur à 15 000, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4 de la directive 91/271.

18      Dans sa requête, la Commission soutenait que la République française n’avait pas respecté ses obligations en ce qui concerne huit agglomérations. Elle a, dans sa réplique, renoncé au grief tiré de la violation de l’article 3 de la directive 91/271 en ce qui concerne l’agglomération de Saint-Denis et aux griefs tirés de la violation de l’article 4 de ladite directive pour ce qui concerne les agglomérations de Bordeaux, de Fort-de-France et de Neuville-sur-Saône.

19      Ainsi, la Commission a maintenu ses griefs pour ce qui concerne les autres agglomérations visées par son recours et considère que la situation de l’agglomération de Basse-Terre n’est pas conforme aux articles 3 et 4 de la directive 91/271 et que les exigences de l’article 4 de ladite directive ne sont toujours pas respectées dans les agglomérations d’Ajaccio-Sanguinaires, de Bastia-Nord, de Cayenne-Leblond et de Saint-Denis.

20      La République française ne conteste pas, en substance, le manquement qui lui est reproché. Elle se borne à rappeler que, pour ce qui est des agglomérations d’Ajaccio-Sanguinaires, de Basse-Terre, de Bastia-Nord, de Cayenne-Leblond et de Saint-Denis, ce n’est qu’au cours de l’année 2014 qu’il sera possible de s’assurer de la conformité du traitement des eaux urbaines résiduaires de ces agglomérations à l’article 4 de la directive 91/271. Quant à l’agglomération de Basse-Terre, la République française indique que le système de collecte de cette agglomération sera conforme à l’article 3 de la directive 91/271 au mois de mai 2013.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêts du 27 septembre 2007, Commission/Espagne, C-465/06, point 8, et du 13 juin 2013, Commission/France, C-193/12, point 21). Or, à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, la République française n’avait pas pris les mesures nécessaires afin de respecter les obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271.

22      Dans ces conditions, le recours de la Commission doit être considéré comme étant fondé.

23      Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas assuré:

–        la collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Basse-Terre, dont l’EH est supérieur à 15 000, et

–        le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Ajaccio-Sanguinaires, de Basse-Terre, de Bastia-Nord, de Cayenne-Leblond et de Saint-Denis, dont l’EH est supérieur à 15 000,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271.

 Sur les dépens

24      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas assuré:

–        la collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Basse-Terre, dont l’équivalent habitant est supérieur à 15 000, et

–        le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Ajaccio-Sanguinaires, de Basse-Terre, de Bastia-Nord, de Cayenne-Leblond et de Saint-Denis, dont l’équivalent habitant est supérieur à 15 000,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.