L'annonce de la fermeture du site PSA d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a suscité un émoi et une réponse des pouvoirs publics symptomatiques d'une schizophrénie très française. Au-delà de stratégies industrielles douteuses, l'injonction à produire des voitures semble vaine face à la baisse tendancielle des achats.
Ce recul des ventes est-il d'ailleurs une surprise ? Conformément à la loi sur l'air, les agglomérations de plus de 50 000 habitants ne sont-elles pas tenues de mettre en œuvre des plans de déplacements urbains ayant pour objet de "réduire la place de la voiture" en favorisant les transports collectifs et les modes doux ?
Dix-sept ans après son adoption, la loi sur l'air a produit ses effets. Depuis 2006, les enquêtes sur les déplacements des ménages enregistrent une baisse des déplacements en voiture dans les agglomérations.
A ces politiques locales s'ajoute une évolution sociologique : les jeunes n'assimilent plus la voiture à un objet de reconnaissance sociale ; les smartphones et autres tablettes numériques jouant davantage ce rôle de marqueur social. Plus déterminant encore, la fin du pétrole bon marché, depuis l'été 2008, a contribué à changer les comportements même hors des milieux urbains.
Un modèle unique a vécu, celui de la propriété de son véhicule et l'autosolisme. La vraie transition écologique, c'est de reconnaître et d'encourager cette réduction de la dépendance à la voiture. Les usages de la voiture sont en train d'évoluer. Le covoiturage fait de la voiture un outil de transport collectif et l'autopartage désacralise un objet dont nous ne sommes plus propriétaires mais que l'on utilise à plusieurs.
Même si la voiture reste un outil essentiel, notamment en milieu rural, elle est de moins en moins un mode exclusif de déplacement mais le maillon d'une chaîne de mobilité, complémentaire aux autres modes de transport. Finalement la mutation écologique de la voiture se trouve tout autant dans ces usages nouveaux que sous le capot, d'autant plus que la préservation du pouvoir d'achat des ménages les incite à un usage sobre et raisonné.
Cette nouvelle mobilité a forcement des conséquences sur les capacités de production automobile et donc sur l'emploi. Prétendre maintenir le statu quo, relève de l'illusion. Pour autant, comme dans un jeu de vases communicants, cette nouvelle mobilité génère aussi des emplois ailleurs.
Depuis dix ans, les transports publics enregistrent en France des créations d'emplois. Pour la seule communauté urbaine de Lille, ce sont 300 créations de postes de chauffeur de bus en deux ans ! Le volontarisme des agglomérations génère donc des emplois dans l'exploitation des transports collectifs, mais aussi dans la construction de matériels roulants conçus, fabriqués et assemblés chez nous et qui s'exportent dans le monde entier.
S'il y a encore de la place pour produire en France des automobiles, les emplois de demain dans ce secteur sont à développer dans les usages nouveaux comme les sociétés d'autopartage, les sites de covoiturage et, bien sûr, la réparation automobile.
Quand on sait que la construction d'une automobile émet 4 000 tonnes de gaz à effet de serre, la voiture écologique est d'abord celle qui dure longtemps, avec à la clé les emplois de maintenance peu susceptibles de délocalisation.
Pour le coup, le gouvernement a été bien inspiré de ne pas reproduire l'aberration écologique et sociale de la prime à la casse, qui en mettant au rebut des véhicules en état de marche a fait aussi partir en fumée des milliers d'heures de travail chez nous.
A y regarder de plus près, le plan Montebourg censé sauver notre industrie automobile n'est pas réellement un plan de sauvetage de ce secteur et encore moins celui d'une transition écologique. Les incitations financières en faveur des véhicules dits "propres" s'adressent à un segment de marché marginal. Deux mille trois cents véhicules électriques ont été vendus en France en 2011 et essentiellement auprès d'entreprises ou de collectivités.
En matière de cycle global, les vertus écologiques de la voiture électrique restent surtout à démontrer et sa généralisation poserait un véritable défi énergétique quand on sait que la prégnance du chauffage électrique en France nous contraint à importer de l'électricité notamment d'Allemagne produite souvent avec des centrales à charbon.
On devine alors facilement que le contenu en gaz à effet de serre du kilomètre parcouru par un véhicule électrique n'est pas réellement une bonne nouvelle pour la planète. Une voiture plus écologique est aussi une voiture qui roule moins vite et donc consomme moins. Il faudra, un jour, s'interroger sur la pertinence à produire des véhicules capables de dépasser les 200 km/heure quand les limites de vitesse autorisées sont fixées à 130 km/heure.
L'absence de stratégie pour sortir notre parc automobile de sa diésélisation est plus inquiétante, alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de reconnaître le caractère cancérigène des particules fines. A terme, c'est un scandale sanitaire qui explosera à la figure des responsables publics qui auront laissé faire, alors que la nocivité de ce carburant est avérée.
Une vraie politique en faveur de l'automobile doit donc prendre en compte les évolutions de fond touchant à la mobilité de nos concitoyens.
Oui, il est possible de conjuguer une stratégie industrielle aux impératifs d'emploi, de pouvoir d'achat, de santé publique et de protection de l'environnement, en un mot mettre en œuvre une politique d'intérêt général appliquée à l'automobile et à la mobilité du XXIe siècle. M. Montebourg reprenez votre copie !
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