L’INTERVIEW: “J’espère que l’Europe réagira face à Apple”

Vincent Van Quickenborne, le ministre Open VLD de l’Economie, a réagi au quart de tour à l’intention d’Apple de refuser d’héberger sur son AppStore – son magasin virtuel – toutes les applications dans lesquelles il est possible d’acheter et de consommer directement du contenu, comme un journal par exemple, si l’on n’utilise pas exclusivement son système de paiement iTunes. Un système qui lui permet de prélever 30 % de commission, soit bien plus que les autres modes de paiement indépendants (Pay Pal, Ogone) et qui met en péril les modèles mis en place par les éditeurs de contenu. Le ministre a demandé à ses services une enquête visant à déterminer si Apple n’abuse pas de sa position dominante. Entretien

Pourquoi avoir réagi si rapidement ?
Je pense que les inquiétudes qui ont été formulées par les éditeurs sont légitimes. Le message d’Apple consistant à dire qu’il faut désormais passer uniquement pas iTunes pour vendre des journaux et magazines sur iPad et donc lui verser une commission de 30 % me semble excessif. Bien entendu, il faut avant tout vérifier si c’est bien là le projet d’Apple. Tout cela n’est pas encore très clair.

Comment allez-vous procéder ?
J’ai demandé aux services de la concurrence du SPF Economie de mener une enquête informelle. Ce type d’enquête permet de faire une première analyse et de vérifier si cela vaut véritablement la peine d’aller plus loin. Cette phase va durer 2 à 3 mois maximum. Le calendrier dépendra de la volonté de coopération des parties. Je ne pense pas qu’on aura des difficultés à interroger les éditeurs… Ce sera peut-être plus compliqué pour Apple qui est basé à Cupertino, en Californie. Si les éléments sont suffisants, on pourra passer à la phase de l’enquête formelle qui dure six mois à un an. Ensuite, après le rapport de l’auditorat, le Conseil de la concurrence pourra statuer.

Tout cela prendra combien de temps au total ?
Je dirais un an et demi, deux ans. Mais je n’exclus pas que nos services contactent la Commission afin d’ouvrir une enquête au niveau européen. Ce serait mieux ainsi car le problème est identique partout ailleurs. Mon homologue du gouvernement hollandais a déjà été interpellé sur la question au Parlement [NDLR: les éditeurs français ont également saisi les autorités de la concurrence en France]. La Belgique est le premier pays à demander ce genre d’enquête mais j’espère que, vu l’importance du développement d’un modèle de presse écrite dans le monde digital, la Commission se saisira de ce dossier. C’est vraiment un dossier crucial pour moi. Je suis très attaché au caractère neutre et ouvert d’internet. Lier des appareils à des systèmes fermés me pose problème.

Vous êtes pourtant un grand fan des produits d’Apple, que ce soit de l’iPhone ou l’iPad ?
Ce n’est pas parce que j’utilise les produits d’une entreprise – ce qui est un choix personnel – que je ferme les yeux en tant que ministre sur ce qui se passe. Je défends avant tout les intérêts des consommateurs. Je ne suis pas contre Apple mais je dois veiller à la mise en place d’une vraie concurrence. Les modèles fermés peuvent être dangereux.

En tant qu’utilisateur d’iPad, cela vous dérange-t-il de verser 30 % d’un abonnement à Apple?
Si c’est vraiment ce qu’il demande alors oui, 30 %, cela me semble exagéré.

Propos recueillis par Jean-François Munster

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