Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes continue de semer la confusion au sein même du gouvernement. Il donne lieu, en l’occurrence, à une opposition entre le premier ministre, Manuel Valls, et la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, rajoutant encore à la cacophonie sur ce dossier éminemment sensible, qui empoisonne l’Etat depuis plusieurs années.
Interrogée, mercredi 6 avril dans la matinée sur RMC-BFMTV, Mme Royal a indiqué que le projet devait « être modifié ». Elle a invité les élus à trouver un compromis, soit en modernisant le site de Nantes soit en réduisant la taille du nouvel aéroport, les deux options mises en avant par un rapport rédigé par son inspection générale qui lui avait été remis la veille.
Un rapport dont le premier ministre a fait une lecture différente : mardi, il a contredit la ministre de l’environnement, en estimant que ce document validait « la pertinence du transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur le site de Notre-Dame-des-Landes ».
Ségolène Royal, qui a toujours exprimé ses doutes sur le bien-fondé du projet, qualifie le futur aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes de « complètement disproportionné et qui coûte cher, avec des conséquences pour les contribuables ». La ministre s’appuie sur les conclusions du rapport, qui le juge « surdimensionné ».
« Un rapport qui desserre l’étau du tout ou rien »
Les auteurs du rapport, trois inspecteurs généraux des ponts, des eaux et des forêts retiennent deux options possibles, en lieu et place du projet de Notre-Dame-des-Landes, situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Nantes : le réaménagement de l’actuel aéroport, tout en soulignant les impacts négatifs en termes de bruit et le coût important de l’opération ; ou le maintien du site de Notre-Dame-des-Landes, en le redimensionnant, avec une seule piste au lieu de deux, soit une réduction de 30 % de l’artificialisation des sols. Ce qui représenterait la « moins mauvaise solution en cas de transfert ».
Alors que Mme Royal pensait rouvrir la discussion pour débloquer la situation, précisant dans Le Monde que c’était « un très bon rapport, incontestable, qui desserre l’étau du tout ou rien, qui dit qu’on peut recalibrer le projet et que l’aménagement de l’aéroport actuel n’est pas non plus impossible », le premier ministre semble donc la clore.
Manuel Valls estime pour sa part que ce rapport désigne le site de Notre-Dame-des-Landes comme « la meilleure solution pour le transfert de l’aéroport ». « La mission a étudié, en complément, une variante qui consisterait à ne réaliser, dans un premier temps, qu’une seule des deux pistes. Le rapport ne se prononce pas sur la faisabilité juridique de cette hypothèse », indique le premier ministre, sans évoquer la critique des rapporteurs sur le surdimensionnement du projet.
« Manuel Valls lit mal notre rapport »
« Manuel Valls lit mal notre rapport s’il dit que Notre-Dame-des-Landes est le bon projet. Ce n’est pas notre opinion, et citer Notre-Dame-des-Landes ne dit pas quel aéroport on veut. Il ne faut qu’une piste, ce qui offre une capacité de trafic supérieure à dix millions de passagers », a confié au Monde, Nicolas Forray, l’un des auteurs du rapport, un habitué des dossiers sensibles puisqu’il a contribué à l’écriture du rapport sur le projet de barrage de Sivens, dans le Tarn.
M. Forray se défend de choisir une solution. « Nous ne faisons pas les choix à la place des politiques, ils feront ce qu’ils veulent de ce rapport technique. Nous répondons à la commande de la ministre qui nous a demandé de voir les options crédibles », ajoute l’inspecteur.
Matignon estime que « ce rapport constitue une contribution utile pour éclairer les citoyens qui seront appelés à se prononcer pour ou contre le projet de transfert de l’aéroport de Nantes sur le site de Notre-Dame-des-Landes lors du référendum local qui aura lieu en juin prochain ». Ce sera le 26 juin, a précisé, mardi, Ségolène Royal. Le Conseil d’Etat devrait rendre sa décision sur le projet d’ordonnance autorisant l’Etat à organiser une consultation locale sur un projet d’intérêt national le 14 avril. Celui-ci serait alors présenté en conseil des ministres le 20. Et le décret précisant la question posée et fixant la date de la consultation devrait être publié pour le 26 avril, soit deux mois avant le scrutin, le délai prévu par l’ordonnance.
« Il est temps de mettre fin à ce projet qui n’a pas de sens »
Mais, avant même que la campagne en faveur ou en défaveur du site de Notre-Dame-des-Landes débute, la consultation est devenue inutile pour certains. « En effet, quel est l’intérêt de demander à certains citoyens leur avis pour ou contre un projet s’il est jugé surdimensionné par une expertise nationale ? » interroge France nature environnement. Pour son président, Denez L’Hostis, ce rapport « doit enfin clore une séquence qui n’a que trop duré. Il est temps pour le gouvernement de mettre fin à ce projet qui n’a pas de sens ». Lorelei Limousin, du Réseau action climat, estime que, « outre son incohérence avec les objectifs de la transition écologique et énergétique, l’utilité publique du projet d’aéroport tout comme celle de la consultation locale encore envisagée par le gouvernement aujourd’hui sont caduques ».
Quant aux associations d’opposants, l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa) et le Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CéDpa), tout en remerciant la ministre « de son engagement pour sortir de l’impasse sur ce dossier », elles se disent prêtes à « participer au travail d’approfondissement sur les points qui posent question pour le maintien de Nantes-Atlantique : renforcement de la piste, trajectoires, bruit ». « Depuis 2003, on a écarté une alternative crédible qui est de moderniser Nantes-Atlantique, ce que nous disons depuis longtemps », résume Françoise Verchère, porte-parole du CéDpa et ancienne maire de Bouguenais, la commune où se situe l’actuel aéroport nantais.
Au contraire favorable au projet de Notre-Dame-des-Landes, « un projet fondamental pour l’attractivité de nos régions des Pays de la Loire et de Bretagne », le président (Les Républicains) de la région des Pays de la Loire, Bruno Retailleau, juge que « ce rapport ajoute encore à la confusion sur l’avenir du projet et sur le débat lors de la consultation ». Alain Mustière, président des Ailes pour l’Ouest et fervent défenseur du projet, dénonce, lui, la cacophonie : « La ligne de M. Valls est de tenir un référendum sur le sujet qui a fait l’objet d’une enquête d’utilité publique, alors que Mme Royal complexifie le débat. »
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