Pauline Marois ira vendre à New York les deux importants congés fiscaux adoptés par son gouvernement pour stimuler l'investissement privé. Elle commence jeudi sa première mission commerciale aux États-Unis. Des rencontres privées avec des investisseurs sont prévues.

«Si, déjà, on campait bien les nouvelles mesures annoncées au budget, je crois qu'on aura là un élément pour les attirer», a-t-elle déclaré mercredi soir à son arrivée. La première ministre faisait référence au nouveau congé fiscal de 10 ans pour les investissements de plus de 300 millions de dollars dans certains secteurs de pointe - comme la transformation des ressources minières, le commerce en gros et l'hébergement de données informatiques - ainsi qu'au crédit d'impôt à l'investissement, prolongé jusqu'en 2017.

La dernière visite d'un premier ministre souverainiste à New York remonte à près d'une décennie. Mme Marois ne croit pas que cela inquiète les décideurs économiques. «[Le Parti québécois] a quand même été aux affaires pendant presque 20 ans. Ils savent que nous sommes très respectueux des engagements que l'on prend. Ils savent qu'à ce moment-ci, nous voulons obtenir plus de pouvoirs et plus de moyens pour le Québec. [Ils savent] qu'il n'y a pas à l'horizon, à court terme, de référendum, puisque nous sommes un gouvernement minoritaire», a-t-elle expliqué.

Train et électricité

Deux dossiers précis seront également abordés: le train Montréal-New York et une nouvelle ligne électrique. Québec souhaite d'abord que les voyageurs du train vers New York puissent passer les douanes à Montréal. «Ça réduirait le voyage de deux heures. Ensuite, on voudrait améliorer les infrastructures des deux côtés de la frontière pour gagner encore plus de temps», a expliqué Jean-François Lisée, ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur (MRI), qui participe au voyage, tout comme le nouveau délégué du Québec à New York, André Boisclair.

Québec voudrait également profiter de la possible fermeture de la centrale nucléaire Indian Point, près du fleuve Hudson. Les 2000 MW qu'elle produit devraient alors être fournis autrement. Un projet de ligne électrique sous le lac Champlain permettrait d'acheminer la moitié de cette puissance à l'État de New York. «Mais il faut d'abord que New York accepte la ligne», a affirmé M. Lisée.

Exportations en baisse

Environ 68% des exportations québécoises sont destinées au marché américain. L'État de New York est le plus important partenaire: il reçoit 9% de ces exportations. Les exportations au sud de la frontière ont néanmoins diminué au cours de la dernière décennie - le manque à gagner s'élève à 14 milliards, selon les chiffres du MRI.

Mme Marois inaugurera ce matin le bureau d'Expansion Québec à New York. D'autres bureaux pourraient être lancés en 2013 à São Paulo (Brésil) et en Californie, en plus de locaux déjà disponibles à cet effet à Shanghai, en Chine. Expansion Québec vise à stimuler les activités des exportateurs québécois. Une enveloppe totale de 7,5 millions de dollars est allouée à ces bureaux.

La première ministre prononcera ce midi une allocution devant le Foreign Policy Association, intitulée «Québec-US partnership: A mutally beneficial path to growth and jobs». Michael Sabia, patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec, la présentera à la salle.

Des rencontres privées sont aussi prévues avec des investisseurs américains que Mme Marois espère attirer sur son territoire. Demain, elle doit rencontrer des économistes et des experts pour «échanger sur le contexte politique et économique postélectoral aux États-Unis», indique son cabinet.

Elle participera en outre à des rencontres éditoriales avec l'agence de presse économique Bloomberg, le Wall Street Journal et l'Associated Press.

Agences de notation rassurées

Aucune rencontre n'est prévue avec les agences de notation, qui se disent rassurées par le dernier budget péquiste. «Si nous avions eu des inquiétudes particulières, nous aurions publié un rapport», a indiqué à La Presse Michael Yake, vice-président adjoint de l'agence Moody's.

La première ministre conserve les cibles du précédent gouvernement en ce qui concerne la dette et le déficit (1,5 milliard en 2012-2013, retour à l'équilibre l'année suivante). «Et ces cibles sont maintenues malgré les problèmes en Europe et le taux de croissance [au Québec] qui s'annonce moins bon», souligne M. Yake.

M. Yake affirme que certaines promesses du Parti québécois ont effectivement suscité une certaine méfiance de la part des investisseurs. «Mais nous n'analysons pas les promesses. Nous analysons les faits, ce qu'il y a dans le budget», précise-t-il.

L'arrivée de souverainistes au pouvoir ne le préoccupe pas davantage. «Nous avons l'habitude des différents gouvernements dans les provinces canadiennes, que ce soit les libéraux, conservateurs, néo-démocrates ou le Parti québécois. [Le gouvernement péquiste] discute de la souveraineté, comme d'autres l'ont fait avant lui, mais ça ne va pas plus loin en ce moment. L'important, c'est que ça n'a pas d'influence sur les indicateurs qu'on surveille, comme la dette et le déficit.»

Le mois dernier, l'agence Standard&Poor's prévenait que la Caisse de dépôt pourrait subir une décote si le gouvernement péquiste en réduisait l'indépendance. En campagne électorale, le Parti québécois promettait un virage nationaliste à la Caisse. On voulait changer la loi pour en «rétablir la mission de développement économique du Québec» et créer un fonds d'investissement stratégique de 10 milliards de dollars pour protéger les sièges sociaux. Cette mesure a été abandonnée.